Le quart d'heure de lecture national

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Retrouver le plaisir de lire, de s'évader quelques instants dans un monde qu'on ne partage qu'avec les auteur·e·s. S'adonner au rythme du coeur, du souffle, et partir pour des contrées imaginaires, que seule la lecture nous permet.

Le jeudi 10 Mars 2022 à 10h est prévu le quart d'heure de lecture national.

À cette occasion, KuB a préparé un florilège de lectures publiques d'écrits contemporains. Retrouvez les mots de Jospeh Ponthus, Alice Zeniter, Gwénaëlle Abolivier, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Gwénola Morizur, Éric Vuillard, Isabelle Le Boulanger, Alexis Gloaguen, du collectif Calibre 35, de Françoise Morvan, Daniel Besace et Irina Teodorescu dans la bouche de Philippe Languille.

À vos livres ! Prêts ? Partez !

À l’École Sainte-Thérèse de Lorient, sur une idée du lycée d’Ankara en Turquie, un super concept a été mis en place.

Imaginez que partout, à l’école, au travail, tout le monde interrompe en même temps son activité, ferme son ordinateur, éloigne son portable et marque une pause à la fois individuelle et collective. Pour observer une minute de silence ? Commémorer une tragédie ? Prier ? S’adonner en groupe à la méditation transcendantale ? Non.

Tout simplement pour sortir, de sa poche ou de son sac, un livre et s’offrir un temps de silence collectif pendant lequel chacun se plongera sans réserve dans une expérience individuelle : lire.

LECTURES PUBLIQUES

À la ligne de Joseph Ponthus

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet.

C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer. Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.

L'art de perdre d'Alice Zeniter

L'Algérie dont est originaire sa famille n'a longtemps été pour Naïma qu'une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu'elle ait pu lui demander pourquoi l'Histoire avait fait de lui un harki . Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne.

Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l'été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l'Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?

Tu m'avais dis Ouessant, de Gwenaëlle Abolivier

À l’hiver 2015, Gwenaëlle Abolivier réside trois mois dans le sémaphore de l’île d’Ouessant, au bout de la Bretagne, sa région natale. C’est pendant et à la suite de ce séjour qu’elle écrit ce récit. Là, sous le grand phare du Créac’h, se racontent un voyage immobile et une expérience d’immersion au contact des éléments et des îliens.
On découvre à quel point ce territoire est à part : territoire de l’extrême qui entretient un rapport particulier à la noirceur et à la mort. Face à la mer et sous les faisceaux du grand phare, l’auteure vit cette expérience comme une renaissance dans le passage et l’exil que représente l’écriture.

Chanson Bretonne, de Jean-Marie Gustave Le Clézio

À travers ces chansons, J.M.G. Le Clézio propose un voyage dans la Bretagne de son enfance, qui se prolonge jusque dans l'arrière-pays niçois. Sans aucune nostalgie, il rend compte de la magie ancienne dont il fut le témoin, en dépit des fracas de la guerre toute proche, par les mots empruntés à la langue bretonne et les motifs d'une nature magnifique. Le texte est bercé par une douceur pastorale qui fait vibrer les images des moissons en été, la chaleur des fêtes au petit village de Sainte-Marine ou la beauté d'un champ de blé face à l'océan.

L'indésirable, de Louis Guilloux

1917 : la guerre s’éternise dans la boue des tranchées. À Belzec, une ville de l’arrière, les autorités ont établi un camp de concentration où sont parqués les étrangers indésirables. Un professeur d’allemand, M. Lanzer, y sert d’interprète, s’attirant, par sa tolérance, la sympathie des prisonniers. Lui et sa famille ont d’ailleurs secouru une vieille Alsacienne, échouée là par hasard. En retour, elle leur lègue, peu avant sa mort, ses maigres économies et quelques bijoux en sa possession.
Une rumeur, orchestrée par un collègue de Lanzer, accuse à tort le professeur d’avoir profité des largesses de la boche. Quand le fils du principal, revenu blessé du front, découvre la mise au ban de son ami, il prend sa défense, au risque de devenir le nouvel indésirable …

Bleu pétrole de Gwénola Morizur et Fanny Montgermont

Le 16 mars 1978, le pétrolier libérien Amoco Cadiz s’échoue sur les rochers de Portsall, dans le Finistère. L’ensemble de la cargaison s’échappe au fur et à mesure que le navire se disloque. 220 000 tonnes de pétrole brut défigurent près de 400 km de côtes bretonnes et détruisent faune et flore.
Léon, le maire de la petite commune, décide d’engager la lutte avec le géant pétrolier propriétaire du chargement de l’Amoco Cadiz, jusqu’au procès aux États-Unis, quinze ans plus tard.

Cet homme incarne la persévérance des petits face aux puissants. Bleu Pétrole est son histoire.

L'ordre du jour, d'Éric Vuillard

L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Réduire Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss par l’auteur de Tristesse de la terre et de 14 juillet.

Conçus pendant la Seconde Guerre mondiale, les enfants de guerre doivent leur appellation aux circonstances. La rencontre de leurs géniteurs n'aurait jamais eu lieu si ce conflit n'était pas survenu. Ils sont le fruit d'une relation intime entre une Française et un soldat allemand ou un prisonnier français et une Allemande.

Leur naissance non désirée est vécue comme un traumatisme. Ils et elles souffrent de se sentir différents, de n'être pas aimés pour ce qu'ils sont et de subir le poids de leur origine.

La chambre de veille, d'Alexis Gloaguen

La chambre de veille a été écrit lors d’un hiver à Ouessant, dans le sémaphore du Créac’h, sur la côte nord de l’île. L’auteur évoque la verticalité du bâtiment qui s’organise autour d’une salle ouvrant sur l’océan, la puissance des éléments, le mystère des lumières, de la nuit, du vent et de la mer. A partir de ce lieu emblématique se développe, comme en cercles concentriques, un regard sur la géographie de l’île et de la vie de ses habitants.

Rennes, no(ir) futur du collectif Calibre 35

Quatorze nouvelles rassemblées sous l’égide du collectif Calibre 35, quatorze nuances de noir pour mieux appréhender une certaine vision de l’avenir.

Entre fin du monde et pandémie, nouvelles technologies de contrôle de la population et écologie obligatoire, entre ségrégation spatiale et confinement, entre innovation et désespérance, l’avenir vous tend les bras.

Buée, de Françoise Morvan

Buée fait allusion au vieux mot employé pour la lessive et, tout à la fois à ces buées des jours de printemps froid liées au trouble de l’adolescence. Il s’agit bien du livre de l’adolescence, placé sous le signe de la transparence grise de ces jours qui s’étirent comme autrefois en Bretagne, ces journées de lessive au lavoir, brutales et pleines d’une force trop vive, et la moindre parole s’inscrit dans la mémoire avec la violence du soleil dans la glace.

Cachalot, de Daniel Besace

L’attentat de Nice choque tellement l’homme qui parle qu’il s’embarque avec fièvre sur son voilier en Méditerranée et file vers les Açores à la recherche du monstre à terrasser, comme une image du mal qui ronge notre monde.

Une odyssée en solitaire, où il parlera aux éléments, aux animaux et à des naufragés, morts ou vivants, avant de croiser son destin. Un voyage initiatique, plein de fantaisie et de gravité, comme un conte philosophique.

Cachalot est un roman tour à tour aussi précis que Naufragé Volontaire d’Alain Bombard et aussi inquiétant que Les Chants de Maldoror de Lautréamont.

Les étrangères, d'Irina Teodorescu

Joséphine est une petite fille à la fois roumaine et française. Privilégiée, car elle peut circuler librement sous le régime communiste, mais rejetée, car elle est étrangère à Bucarest comme à Paris. Joséphine s’interroge : peut-on être amoureuse de sa professeure de violon ? Puis elle devient photographe, connaît le succès. Elle rencontre Nadia.
Leur passion est brûlante, le Mur est tombé, le Palais du Peuple est de moins en moins gris. Mais l’amour bascule, aveugle, emporte tout.

Nadia la louve, la danseuse, est un fleuve en colère. Elle s’exile à son tour, fuit Joséphine, cherche un lieu où s’apaiser. Peut-être Kalior, la ville orientale, la belle endormie. Trouver les épaules dorées sur lesquelles se réinventer, comme on s’invente des dieux auxquels se raccrocher.

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