La voie de TAO 2

Tao

La mère de Tao est une artiste qui a dédié sa vie à l’étude des couleurs, faisant de sa vie son œuvre d’art. Chaque jour, elle vit aux rythmes de celles-ci ; dans l’habillement, l’alimentation, l’organisation des pièces de la maison. Tao a l’habitude, petite elle était habillée d’une couleur unique, chaque jour. Son père est forgeron. Avec les traits du forgeron précise-t-elle. C’est le genre de gars, s’il te dit non, tu dis d’accord ; tu cherches pas à comprendre ni à broncher…

En 22 ans, Tao a eu dix vies. Elle a beaucoup bougé, d’abord avec sa mère, menant une vie de nomade, explorant chaque merveille, dormant parfois chez des amis ou des gens rencontrés le jour-même. Je pouvais me réveiller dans un appartement miteux et m’endormir le soir-même dans un château.


À 13 ans, elle décide de partir vivre seule à Marseille.

Je m’ennuyais et je me suis dis que ce n’était pas possible, je n’avais pas envie de ça. Sa mère l’accompagne au début, la confie à des amis, puis retourne en Ardèche avec son nouvel enfant, laissant le choix à Tao de la suivre ou pas. Dès lors, elle est livrée à elle-même, va à l’école un peu quand elle en a envie et se débrouille pour trouver un endroit pour dormir. Vivre seule à Marseille, à 15 ans, devient trop lourd. Elle part pour de nouveaux horizons tout en noircissant des carnets entiers de dessins. Parfois elle suit des rencontres, des amours, pour quelques semaines ou quelques mois, vit une aventure, réalise de nouveaux projets et repart.

Aujourd’hui elle vit à Rennes et s’est inscrite en licence de Russe. Nous l’avons rencontrée début octobre 2015, et elle nous a raconté son histoire : Il y a quelques mois j’ai rencontré des musiciens qui faisaient un concert. Il y a eu un bon feeling, j’ai passé la soirée avec eux, puis celle d’après… J’étais dans une phase de transition sans trop savoir ce qui m’attendait après. Ils m’ont proposé de venir habiter avec eux à Rennes et de les suivre dans leurs vies, j’ai dit oui. Le lendemain j’ai abandonné ma voiture pour partir avec eux. Ça m’est arrivé pas mal de fois, ce genre de départ impromptu dans ma vie. Même si j’ai une base en Ardèche d’où je suis originaire, j’ai grandi comme ça. Ma mère, c’est un putain de personnage, elle a une magie incroyable. Parfois je lui parlais d’un truc que j’aimais bien, comme un jour, de montgolfières. Je m’endormais dans mon lit et le matin au réveil, j’étais sur la banquette arrière de la voiture, ma mère qui dormait devant, on était garées au milieu d’un immense champ avec plein de montgolfières qui s’envolaient. Elle avait roulé toute la nuit pour m’emmener à cet endroit et que je me réveille pour voir ce truc ! C’est arrivé mille fois. Je pense qu’on peut qualifier mon enfance d’atypique, j’ai fait tous les systèmes éducatifs possibles et imaginables, j’ai sauté des classes puis j’en ai repassé après. J’étais très libre. Je pouvais passer des heures juste le cul posé sur une branche, à m’imaginer des histoires, ma mère me l’a souvent rappelé. J’ai grandi sans le moindre argent, je pense que ça fait aussi partie de ma débrouille, j’ai grandi comme ça donc j’ai pas de souci là-dessus, je suis rarement déroutée par le manque de moyens.

Durant les deux ans où j’ai vécu à Marseille, j’étais seule, même si très vite j’ai rencontré des gens qui sont devenus mes amis. Tous les jours il fallait que je trouve quoi faire, où aller, où dormir, et souvent quoi manger. À treize ans, on peut pas bosser donc mis à part le peu que pouvaient me donner mes parents, j’avais pas beaucoup de tunes. Des fois j’y réfléchis et je me demande comment j’ai fait. À cet âge je paraissais beaucoup plus âgée, les gens ne m’arrêtaient pas dans la rue pour savoir si j’étais perdue. À la fin ça devenait vachement craignos, je me suis fait casser la gueule pas mal de fois sans raison aucune. Les mecs n’avaient aucune retenue. C’était pas toujours facile, mais je réagissais en me disant que j’avais voulu cette merde, et je devais aller jusqu’au bout si vraiment je voulais que ça me serve à quelque chose.

Étrangement je n’ai pas eu l’impression d’avoir vécu l’adolescence ; mes parents me l’ont dit aussi. À part le fait que légalement on est majeur à 18 ans, seul un parcours de vie peut conduire à la maturité. Il y a plein de gens qui ont critiqué mes parents pour la liberté qu’ils m’ont laissée, à tort. J’estime qu’ils m’ont donné la possibilité de grandir et d’être moi. Je rencontre des gens partout, je n’ai pas un lieu où il y a tous mes potes, les gens que j’aime sont un peu partout, les gens avec qui tu as des choses à vivre tu les retrouves toujours.

Tao est à retrouver sur KuB sur la page La voie de Tao et également Tant qu'on ira vers l'est.