Poètes en Bretagne

Gerard Le Gouic - Peinture maison - Terre d'ecrivains

Venez ici découvrir les portraits de poètes de la collection Terre d'écrivains de Michel Dupuy, avec Gilles Baudry, moine à l’abbaye de Saint-Thégonnec, Gérard Le Gouic, poète malgré lui, Kenneth White, l'Écossais installé dans les Côtes-d'Armor, et Hélène Cadou, qui vivait à Louisfert en Loire-Atlantique, depuis les années 1940.

SÉRIE TERRE D'ÉCRIVAINS

POÉSIE

L’objet de ces courts portraits d’écrivains filmés est de donner au lecteur les clés du bureau, sanctuaire où se fabriquent les livres. Pour rendre accessibles les sources, la complicité de chaque écrivain a été essentielle ; elle nous permet dans un premier temps de passer par la fenêtre de l’enfance, des premiers émois dévoilés, puis d’entrer dans l’atelier où vont se construire les œuvres. Nous souhaitons ainsi mettre le futur lecteur dans la confidence de cette étrange alchimie qu’est la création littéraire. Les films, dans ce décor, invitent le spectateur à partager avec l’auteur certains rituels, des émotions, des couleurs… Comme cela peut arriver avec un intime, ils vont parfois au-delà, ils empruntent des sentiers buissonniers vers le cœur de l’œuvre.
Par ailleurs, la diversité des paysages et la richesse de sa culture fait de la Bretagne une terre poétique par excellence. Toutefois, la Bretagne, selon les auteurs, peut être tempétueuse, étale, se lire entre les vagues ou entre les lignes, avec des récifs, des pirates, des sirènes… C’est par conséquent avec le doux plaisir de surfer sur les mots que la mer s’est imposée comme thème principal pour la collection Terre d’écrivains en Bretagne.

GILLES BAUDRY

L’école apprend le savoir, pas la saveur. Gilles Baudry n'a pas oublié ses origines paysannes. Il nous fait partager ce rapport privilégié à la nature qui l'a conduit à devenir moine et poète. C’est au bord de l’estuaire de Landévennec, dans une nature majestueuse, que se trouve l’abbaye de Saint-Thégonnec. Le décor est baroque et paraît surdimensionné pour le modeste frère Gilles. Pourtant, plus encore que l’espace, c’est le temps qui ici paraît disproportionné. C’est lui qui habille le silence (les cloches), qui décore le bureau du poète (un sablier), bref qui officie l’ordre du monde. Derrière la forêt, entre les grands murs, dans l’immense abbaye qui n’abrite qu’une vingtaine de moines, il n’y a place ici que pour la contemplation, la prière. Le temps s’y conjugue en temps lumière. La cellule du moine dans laquelle nous l’avons filmé fait écho aux horizons qui viennent se perdre dans l’estuaire que l’on peut voir de la fenêtre. Instants d’éternité que le poète essaie d’apercevoir dans l’écoulement du sablier, de sentir dans la flamme d’une bougie qui se consume, d’entendre dans un coquillage ourlé comme une oreille.


Gilles Baudry est attentif à tout ce qui est susceptible de remplir le silence. Silence des grands couloirs blancs, silence du retrait. Le poète accueille cependant la proposition de tournage du film avec une certaine jubilation. Il sait que derrière l’excès de lumière, l’excès de mouvements, l’excès de mots, les pauses et les silences retrouveront les pierres… L’espace rassurant d’un ordre immuable.
La clé de ce portrait : De bouche à oreille, l’essence des choses.

GÉRARD LE GOUIC

Gérard Le Gouic est l’auteur d’une soixantaine de recueils dont le célèbre Poèmes de l’île et du sel. Ici, les îliens vivent l’horizon à hauteur du cœur, des blessures de mer dans les mains. Gérard Le Gouic nous livre sa conception de la poésie. Celle-ci y apparaît désabusée et sans concession humaniste : Je n’ai jamais dit que j’étais poète, ce sont les autres qui ont commencé à le dire. Mais je n’ai pas l’esprit de contradiction, alors oui, pourquoi pas, mais bon est-ce que j’ai vraiment cet état d’esprit ? Je ne sais pas…
La clé de ce portrait : Poète par défaut ?

Signes de piste

KENNETH WHITE

L’unique porte oblige le visiteur à se baisser pour entrer. En face de la maison, la mer, et sur son seuil des bottes de sept lieux. Le bureau sent l’ermite… la pièce est parsemée de cailloux de toutes tailles. Ils ont pour fonction d’identifier les dossiers et les voyages en cours de traitement, accessoirement de les empêcher de s’envoler si un courant d'air arrivait à se glisser dans l’entrée… À moins de marcher sur les cailloux comme sur un gué, le bureau de travail semble inaccessible, pourtant, les cailloux du grand Poucet nous invitent à faire le tour du monde et les bottes de géants sont conseillées pour suivre le poète dans son périple casanier. Chaque caillou a une provenance précise et nous amène dans les contrées les plus lointaines (géographiques et/ou poétiques).


Ces cailloux lui permettent de s’orienter dans le vaste monde, la géologie est sa première passion. L’écrivain n’est pas l’inventeur de la géopoétique par hasard… Sur les murs, des cartes géographiques permettent de planifier le monde entier (un grand caillou…), de suivre à la trace le grand migrateur. Des masques, des instruments de musique, des objets exotiques achèvent de meubler l’exigu refuge. Sur les poutres, se faisant front, une mouette blanche et un corbeau noir empaillés, terre et mer sans frontières.

Sous le bureau proprement dit, on accède par un étroit escalier en colimaçon, à une bibliothèque. Voyage en spirale dans le temps et dans l’espace, Kenneth White, cet universitaire érudit et chaleureux aime et collectionne tout ce qui se rapporte et s’imprime. Des morceaux d’espaces glanés aux quatre coins du monde, mais aussi toutes formes d’écrits, des empreintes de pattes d’oiseaux disparus figés dans l’argile aux manuscrits précieux à la calligraphie aérienne.

Le film invite à suivre Kenneth White dans ses odyssées périlleuses… J’aime avoir un pied dans le connu et un pied dans l’inconnu, un pied sur terre et un pied dans le vide.

La clé de ce portrait : Le grand Poucet.

Les fenêtres du pays blanc

HÉLÈNE CADOU

Les paysages partagés avec le poète René-Guy Cadou, l’être aimé, qu’Hélène Cadou raconte dans le livre Le Bonheur du jour, ont nourri son œuvre. C’est à Louisfert, où elle a passé les cinq années de sa vie avec le poète, qu’a été tourné le portrait de la poétesse Hélène Cadou.
Deux thèmes dominent et convergent dans l’œuvre d’Hélène Cadou, René-Guy Cadou et les fenêtres. C’est que dans l’œuvre de l’auteure la fenêtre est toujours le lieu de l’attente, d’un partage d’un bruit, d’un signe du poète disparu. La fenêtre reflet du passé, où s’inscrivent les rides du temps qui passe devenues mots.

Le Pays blanc, titre de l’un des recueils d’Hélène Cadou est aussi ce pays où elle a vécu avec René-Guy et qu’elle habite encore aujourd’hui. La petite maison du bonheur, devenue résidence d’écrivains, et l’école mitoyenne, à laquelle on accède par la cour de récréation, un musée. Hélène Cadou a toujours su faire vivre ce lieu nostalgique, de nombreuses amitiés littéraires ont nourri le lieu sanctuarisé. Les rencontres de cette amoureuse des mots, de Julien Gracq à Jean Rouaud en passant par Alain Robbe-Grillet ont entretenu la mémoire du poète disparu en 1951 à 31 ans.

Hélène Cadou est porteuse d’une œuvre poétique d’exception, plutôt phare que veilleuse, c’est à un amour sans cesse répété et renouvelé qu’elle invite. Cette anaphore donne à sa poésie sa vraie âme, fenêtres à l’infini et mise en abîme…

La clé de ce portrait : Mise en abîme

INTENTION

Une histoire de clés

Portrait Michel Dupuy

par Michel Dupuy

La collection Terre d’écrivains propose un voyage dans ce qui nourrit les œuvres des vingt écrivains dont j’ai choisi de faire le portrait filmé. Elle montre comment s’inscrivent ces œuvres dans un temps et dans un espace donné, en l’occurrence, ici, en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Ces entretiens avec les auteurs ont pour fonction de visiter l’environnement familial, social, géographique dans lesquels leurs œuvres s’enracinent et de mettre à la disposition du lecteur les clés du sanctuaire où se fabriquent et se dévoilent certaines de leurs œuvres.

Ces clés nous ouvrent quelques secrets, voire quelques portes vers le cœur de l’œuvre. Plus encore, avec la complicité de l’auteur, nous invitons le lecteur à passer par la fenêtre de l’enfance, pour rendre accessible une proximité qui fait sens dans le parcours romancé de l’œuvre, ses racines. Nous souhaitons ainsi mettre le lecteur dans la confidence de cette étrange alchimie qu’est la création.

Transparences, reflets ou miroirs, ces premiers émois rendus visibles sont une fragile frontière avec l’intérieur introspectif de la fabrique.

Outre partager certaines situations, rituels, émotions, couleurs dans lesquels tout lecteur, qu’il le veuille ou non, est a priori censé devenir un intime voire un confident.

COMMENTAIRES

  • 27 Novembre 2023 20:14 - ALLEN

    magnifique portrait de Kenneth White

Artistes cités sur cette page

Portrait Michel Dupuy

Michel Dupuy

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