La déposition

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Été 1944, le débarquement américain repousse l’occupant nazi, les GI sont accueillis en héros libérateurs, c’est l’euphorie, les lendemains peuvent à nouveau chanter. Ce déferlement d’hommes va provoquer son lot de crimes sexuels – des milliers de viols – et de crimes de sang dont les victimes sont les frères et les pères qui tentent de s’interposer.

À 45 ans, l’écrivain briochin Louis Guilloux, anglophone autodidacte, est recruté par les Américains comme interprète dans le cadre du procès des présumés coupables. Il se trouve ainsi aux premières loges pour comprendre la nature des faits et observer la manière dont tout s’organise pour faire porter la faute aux soldats noirs. Il ne publiera son récit, Ok, Joe, qu’en 1976, quatre ans avant sa mort.

Les Noirs, ce sont les larbins de l’US Army, commandés par des officiers sudistes, ils n’ont aucun droit et constituent de parfaits boucs émissaires. Louis Guilloux, qui se dit terroriste non violent, est estomaqué par cette preuve éclatante de racisme. Malgré la fraternité chrétienne ou républicaine, le monde est resté esclavagiste ! dit-il au micro de Bernard Pivot.

Le film de Philippe Baron est une belle composition qui mêle les témoignages des femmes d’alors ou de leurs descendants, et de magnifiques archives de 1944 où le regard absent de celles qui ont couché avec l’ennemi rencontre celui, bravache, de ceux qui se décrètent héros de la Résistance. Les embrassades de joie émoustillent le désir frustré de soldats qui se sentent, pour certains, tout permis.

BANDE-ANNONCE

OK, JOE !

de Philippe Baron (2023 - 52')

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

En août 1944, dans le climat chaotique de la Libération, des GI américains commettent des viols et des meurtres envers les populations civiles françaises. L’armée américaine met en place une cour martiale pour les juger. Presque par hasard, elle embauche l’écrivain Louis Guilloux comme interprète. Peu à peu, le romancier découvre que seuls les soldats afro-américains sont condamnés, souvent à des peines capitales. Il le raconte dans un court récit : O.K., Joe !
En confrontant son récit à la réalité historique et aux souvenirs de témoins et de descendants, ce documentaire révèle plusieurs tabous de la Seconde Guerre mondiale : les exactions de l’armée américaine envers des populations civiles, les viols des femmes, la ségrégation raciale, les châtiments cruels et sélectifs qu’elle inflige à ses soldats noirs.

>>> un film produit par Les films du Sillage

LE LIVRE

O.K., Joe !

GI noir archive - Ok Joe

En 2022, en plein mouvement Black lives matter, le livre de Louis Guilloux, O.K., Joe !, publié en 1976 chez Folio, s'est offert une réédition préfacée par Éric Vuillard, prix Goncourt 2017 et spécialiste des récits historiques. Alors qu'il passe assez inaperçu à sa sortie, la France ne voulant pas ternir l'image des Américains libérateurs, il est aujourd'hui reconnu par tous les historiens comme un témoignage capital pour la compréhension de cette période entourée de nombreux mythes et fantasmes. En effet, dans ce livre, Guilloux revient sur sa propre histoire, lorsqu’il était interprète auprès des tribunaux militaires américains en 1944. Juste après la Libération, il accompagne les deux officiers américains chargés d’enquêter sur les exactions commises par les soldats américains sur les populations civiles bretonnes. Au fil des condamnations, souvent à mort, le jeune interprète se rend compte que seuls les soldats noirs sont poursuivis. Mal à l’aise face à ce racisme décomplexé, perpétré par une armée qui se veut civilisée et généreuse envers les populations locales, il mettra 30 ans à écrire ce récit puissant et brillant. Par petites touches, presque en douceur, il témoigne ainsi de la part sombre qui accompagne ce grand moment de l’Histoire.

BIOGRAPHIES

Louis Guilloux

Louis-guilloux-bureau-saint-brieuc.

Écrivain français, Louis Guilloux naît en 1899 à Saint-Brieuc et meurt en 1980 dans la même ville. Auteur du Sang noir, il appartient à cette génération de romanciers marquée par l’expérience de la guerre de 1914. Sensible au sort des plus démunis, il s'engage aussi contre le fascisme, se situant au cœur des questionnements littéraires, politiques et existentiels de son époque. Il vit entre Paris et Saint-Brieuc, que l’on reconnaît comme la petite ville de province qui sert de cadre à de nombreux romans ; mais en se refusant à lui attribuer un nom, il lui confère une dimension universelle.
Louis Guilloux s’inscrit dans une veine réaliste issue du naturalisme, qui justifie son rapprochement avec la littérature prolétarienne. Néanmoins, son œuvre se développe en pleine crise du roman classique, ce qui le conduit à explorer les multiples ressources du genre. Ainsi, son récit peut se concentrer sur une seule journée (Le Sang noir) ou couvrir un demi-siècle (Le Jeu de patience), être proche du grand roman polyphonique ou de l’essai de voix (Coco Perdu). En 1976, il termine l'écriture de O.K., Joe ! après 30 ans de réfléxion.
La diversité de cette œuvre unifiée par son sens du tragique montre que son auteur ne peut être réduit à son engagement social ou à son appartenance bretonne. Il a été l’ami d'André Malraux et d'Albert Camus.

Philippe Baron

Baron Philippe réalisateur

Historien de formation, Philippe Baron réalise depuis une trentaine d’années des documentaires pour France Télévisions et Arte. Ses films dressent des portraits engagés de personnages en marge ou hors-normes, en partageant leurs vies pendant de longs mois. Vie de SDF dans Les Habitants du tunnel (1996), de ministre dans Voynet au risque du pouvoir (1998), d’homosexuels en quête de paternité dans Deux papas à Manhattan (2006) ou de transsexuel dans Andréa née à 35 ans (2001).

C’est encore le quotidien d’une rue qu’il filme en 1994 en Bosnie, dans les conditions dramatiques d’une ville assiégée, au sein du collectif de Chaque jour pour Sarajevo (primé à Locarno en 1995).

Il s’est également essayé au genre du documentaire historique avec des longs métrages remarqués comme Première Passion (Focal Award à Londres en 2011), Un village sans dimanche (Étoile de la Scam 2013) ou L’Or rouge (mention spéciale aux Rencontres historiques de Blois en 2015).

En 2023, il réalise Ok, Joe ! qui s'intéresse aux exactions des GI américains en Bretagne lors de la Libération, à partir du livre de Louis Guilloux.

REVUE DU WEB

Libération, exactions, ségrégation

L'OBS >>> Hanté par la culpabilité d’avoir été un petit maillon de cette justice expéditive, Louis Guilloux aura mis trente ans pour réussir à écrire O.K., Joe ! . Son livre parut en 1976, quatre ans avant sa mort.

OUEST-FRANCE >>> Pourquoi Éric Vuillard a choisi de préfacer O.K., Joe ! de Louis Guilloux. Paru en 1976, ce récit de l’écrivain briochin, décédé en 1980, réédité en poche chez Folio, raconte la ségrégation raciale dans l’armée américaine à la Libération. Entretien avec Éric Vuillard, écrivain (prix Goncourt 2017 L’ordre du jour , Actes Sud).

LE PARISIEN >>> Le réalisateur rennais Philippe Baron se penche sur les viols et meurtres commis par des GI américains à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte ségrégationniste.

COMMENTAIRES

  • 26 Juin 2023 19:59 - Mona Thomas

    Lire OK Joe de LGuilloux -Gallimard vient enfin de le mettre en folio- avant la très intéressante enquête d Alice Kaplan à propos de la même histoire du G.I. accusé de meurtre, « L interprète ». Mais Louis Guilloux est insurpassable -avec cette ironie fine et désabusée typique du pays et qui n est qu à lui. Le père d À Kaplan était juge dans cette cour martiale.

CRÉDITS

réalisation Philippe Baron
image et son Guillaume Kozakiewiez
documentation Mirabelle Freville
conseil artistique Frédérick Laurent

montage Katia Manceau
musique originale Yan Volsy
infographie animation Elliot Raimbeau
productrice Sylvie Brenet

coproduction : Les Films du Sillage / France Télévisions avec la participation de LCP-Assemblée nationale et de TVR / Tébéo / Tébésud
avec le soutien de la Région Bretagne, du département des Côtes-d'Armor, de la Ville de Saint-Brieuc et la PROCIREP ANGOA – Société des Producteurs

Artistes cités sur cette page

Philippe Baron réalisateur

Philippe Baron

Guilloux portrait Louis écrivain Saint-Brieuc archives municipales

Louis Guilloux

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