Le Tour, hors-champ

Cover mamie tatie Danielle

La Grand-Messe est un long métrage documentaire qui sort en salle au moment où le Tour de France s'élance depuis Bruxelles. C'est une chronique jouissive de ce grand barnum, sauf que les forçats de la route sont hors-champ. Les réalisateurs ont choisi de fraterniser avec les supporters qui bordent la route, et pas n’importe quelle route, celle qui monte au col d’Izoard, l’un des calvaires de l’épreuve.

Ce que saisit La Grand-Messe c’est la ferveur enfantine de ces fans qui viennent d’année en année, depuis plusieurs décennies pour nombre d’entre eux. Les campings cars et la télévision numérique terrestre ont amélioré leur ordinaire, et ces journées passées à attendre la vague événementielle sont le firmament de leur année, beaucoup de joie... et d’épuisement.

Il n’a pas non plus échappé aux réalisateurs belges que le vélo est partie intégrante de la culture bretonne. Ils tiennent une place de choix dans la distribution jusqu'au héros de l’étape, le Morbihannais Warren Barguil, qui pulvérise le record de l’anthologique ascension de l’Izoard et remporte ainsi sa deuxième victoire d'étape. C'était en 2017.

BANDE-ANNONCE

LA GRAND-MESSE

de Méryl Fortunat-Rossi & Valéry Rosier (2018)

Des Ardennes au col d’Izoard, le long des départementales et sur les sentiers escarpés, une nuée de camping-cars s’installe pour célébrer le Tour de France. Le soleil chauffe, les transats sont sortis, les copains arrivent : c’est l’été, la Grand-Messe commence. Un regard drôle, attendrissant et poignant sur ces passionnés de la plus grande course cycliste du monde. Un bijou documentaire, quelque part entre Jacques Tati et Strip-tease.

>>> un film produit par Wrong Men & Supermouche productions

NOTE D'INTENTION

Les gens simples

La Grand-Messe pique-nique

Ça n’est pas un film sur le Tour de France, mais sur les passionnés du Tour. Qu’est-ce qui vous a amenés à vous intéresser à ces communautés éphémères ?
Valéry Rosier
: Méryl et moi partageons un sentiment identique par rapport au Tour de France. Le Tour, c’est la course bien sûr, ce sont des paysages extraordinaires, mais c’est aussi ce public qui le suit le long des routes. Nous avons un peu fait ce film pour dire que le Tour, c’est eux aussi.
Méryl Fortunat-Rossi : Notre film est plus un portrait de la France et d’une génération de Français, qu’un film sur le cyclisme et la course. Ceci étant dit, les spectateurs et les paysages sont peut-être les premiers acteurs de la course. En préparant le film, on se disait que c’était génial qu’on puisse encore poser son camping-car sur les routes du Tour, juste comme ça, en toute simplicité. Cela nous semblait fascinant d’essayer de comprendre comment ça fonctionnait. On aime les décalages, c’est pourquoi ce film est pour ainsi dire un road-movie immobile. Toujours dans cette idée de décalage, nous aimons poser notre regard là où personne ne prend généralement le temps de regarder…

Êtes-vous l’un et l’autre des aficionados de cyclisme ?
VR
: Mon premier lien avec le Tour de France, je l’ai eu grâce à Eddy Merckx.


Enfant, je passais à vélo avec mon père devant l’épicerie que ses parents tenaient à Bruxelles, sur une petite place près de chez nous. De retour dans ma chambre je passais des heures à compter ses victoires dans le Guinness Book des Records. Je n’en revenais pas qu’un Belge puisse être un aussi grand champion. J’étais tellement fier.
Pendant très longtemps je ne comprenais pas l’engouement et la passion que des gens pouvaient avoir pour le cyclisme. Comment pouvait-on passer autant de temps à regarder des vélos rouler en file indienne ? Et puis un jour on m’a expliqué une stratégie de course et puis une autre, et tout doucement j’ai commencé à comprendre, et par conséquent à aimer regarder le Tour. Je me dis souvent que les télés devraient organiser des petits cours de course pour débutants pour intéresser de nouveaux publics.

MF-R : Nous aimons beaucoup regarder le Tour et faire des siestes devant la télé. Pour ne rien vous cacher, l’envie de faire ce film est aussi une réponse à nos amis qui pour la plupart ne s’intéressent pas ou ne comprennent pas comment nous pouvons regarder des heures une course de vélo…Il n’y a rien de plus communicatif que de voir et entendre des passionnés. Les personnages que nous avons filmés sont des passionnés : c’est le meilleur moyen pour susciter la curiosité des plus hermétiques au Tour.

Pourquoi avoir choisi de vous focaliser sur le Col de l’Izoard ?
VR & MF-R
: Premièrement, il s’agit d’un col mythique du cyclisme : il est très cinématographique avec la partie lunaire de la Casse déserte qui se situe à quelques virages du sommet. Deuxièmement, l’année du tournage, c’était la première fois que l’arrivée d’une étape était au sommet du col. Enfin, il s’agissait de la dernière étape de montagne cette année-là : le Tour se jouerait dans ces virages et nous pensions que le suspense et la frénésie des spectateurs seraient intenses.

Comment avez-vous rencontré et choisi vos personnages ? Ont-ils facilement accepté d’être filmés, y compris dans l’intimité de leurs camping-cars ?
VR & MF-R
: Quand nous sommes arrivés au Col d’Izoard deux semaines avant l’étape, nous avons remonté toute la côte à pied pour rencontrer ces nouveaux habitants du bord de route. On toquait à la porte de chaque caravane pour leur expliquer notre projet.
Et au fur et à mesure, nous avons affiné le casting. On revenait les voir quand le courant passait bien mais surtout quand on sentait qu’on avait affaire à de belles personnes. L’avantage quand on fait un film sur les spectateurs du Tour, c’est que souvent une de leurs motivations est justement de passer à la TV. Le premier contact a été plutôt facile.
Et plus les jours passaient, plus nous devenions intimes : nous étions une très petite équipe et nous étions souvent seul ou à deux pour filmer dans les caravanes. Finalement le plus dur pendant ce tournage c’était de refuser tous ces apéros qui nous tendaient les bras… Malheureusement, nous avions un film à faire.
Avec cette petite équipe (2 réalisateurs-cadreurs, 1 ingénieur du son, 1 régisseur-conducteur de drone et… 1 camping-car), nous avions besoin de vivre cette expérience au plus proche des conditions de séjour de nos protagonistes. Même si nous ne pouvions y dormir tous les soirs, le camping-car nous permettait d’y manger, de recharger nos batteries, de faire des siestes, d’avoir des voisins et de rencontrer du monde.

Pourriez-vous nous dire comment votre collaboration s’est construite dans la pratique, aux différentes étapes de la fabrication du film ?
VR & MF-R
: Très vite, nous nous sommes répartis les choses : nous avions deux caméras et tournions chacun dans notre coin. Le midi nous faisions le point et le soir nous dérushions le plus possible pour préparer la suite du tournage. Pour le montage, c’était plus difficile de synchroniser nos agendas : Valéry était très présent tandis que Méryl, qui travaillait sur un autre projet, regardait le montage en soirée et apportait ainsi un peu de recul.

L’usage de plans aériens est tout à fait singulier, comment en avez-vous eu l’idée ?
M.F-R
: C’était une idée de Valéry. Son ami Antoine Veldekens qui assurait la régie sur le tournage, avait apporté son drone. Je n’étais vraiment pas enthousiaste à l’idée de faire des images de drone pour ce film : je n’imaginais pas des images en mouvement sur des situations immobiles, cela me paraissait gratuit.
V.R : Je comprenais totalement la crainte de Méryl. Nous ne voulions pas retrouver ces images de drone en mouvement tellement courantes en télévision. Nous avons dès lors choisi de faire des plans verticaux et immobiles, dans la continuité des plans horizontaux. Ces plans nous permettent de faire comprendre au spectateur l’environnement géographique des protagonistes du film et de montrer ces lacets de montagne de manière quelque peu inattendue.

Vous contrastez également l’immobilisme des personnages avec la mouvance des éléments (ciel) mais aussi avec un jeu d’entrées dans le cadre des cyclistes, les appels de l’entourage et le hors-champ des actualités télévisuelles...Que souhaitiez-vous montrer par ce biais ?
VR & MF-R
: Nous avons voulu installer le hors-champ un peu partout dans le film et sous différentes formes. Le hors-champ donne de la matière à l’imagination du spectateur et c’est peut-être une manière d’être au plus proche de nos héros qui, pendant 15 jours, sont hors du champ de la course mais aussi hors du champ de leur quotidien habituel. La plupart des camping-caristes suivent les étapes devant la télévision. Il y a un autre hors-champ celui que nous pourrions nommer le quotidien. Ces personnes sont en vacances mais nous avions besoin que le spectateur puisse les imaginer dans leur quotidien afin de mieux sentir le contraste des vacances, ce besoin d’être en vacances. Enfin il y a une fierté d’être sur les routes du Tour et beaucoup préviennent leurs proches afin qu’ils puissent les voir à la télé… Ils attendent avec impatience ces quelques secondes où ils seront en plein champ.
Nous voulions montrer que ces passionnés avaient choisi de passer leurs vacances dans un décor magistral.
À 2000 m d’altitude on se sent tout petit et tous les déplacements y sont plus difficiles. C’est un joli défi que d’y rester une dizaine de jours. C’est pour cela que nous avons insisté sur la puissance et le côté mystique de la montagne.

Le film donne à voir des gens simples, des vacances populaires et, tout en restant bienveillant, il ose l’humour, non sans faire penser à certains documentaires de Strip-Tease : était-ce une référence pour vous ?
VR & MF-R
: Nous pensons qu’il y a en chaque personne le potentiel pour devenir le héros d’un film. Le travail du réalisateur, c’est aussi de révéler ses protagonistes. Nous avons pour habitude de filmer les personnes que nous aimons, avec tendresse, et notre but est que le public les apprécie autant que nous les avons appréciés. Si on se rend compte au montage qu’un protagoniste pourrait ne pas être autant apprécié qu’il le mérite, on le retire.
L’émission Strip-Tease a vraiment marqué l’histoire de la télévision en Belgique et pas seulement ! On s’intéressait enfin à des gens qu’on n’avait pas l’habitude de voir et, surtout, ils osaient l’humour dans le réel.
Nous avons tous les deux un respect immense pour cette émission. Elle a apporté une nouvelle manière de faire du documentaire et influencé jusqu’à la fiction. Pour ne parler que de cinéma belge, on peut légitimement se demander si nous aurions eu la chance de voir C’est arrivé près de chez vous ou les films des frères Dardenne sans Strip-tease. On se retrouve tous les deux beaucoup dans l’humour que dégagent les films de Tati : ne pas se moquer mais rire avec bienveillance de la société dans son ensemble et de nous-mêmes.

Vous avez choisi de rythmer le film avec des chapitres donnant à voir le temps qui passe : aviez-vous pensé à cette structure dès le tournage ou est-ce que cela s’est décidé au montage ?
V.R & M.F-R
: Les deux années précédant le tournage, nous sommes allés en repérage au Tourmalet et au Ventoux. Nous y avons compris que le film allait devoir respecter le rythme naturel de la montagne : lent et calme au début, puis frénétique le jour de la course. Le film devait donc épouser cette attente et l’ambiance qui, journée après journée, s’intensifie. En revanche, l’idée du chapitrage est venue au montage. Le Boléro de Ravel va dans le même sens : cette musique qui ne cesse de s’accélérer participe au décompte des jours et nous fait la promesse d’un final époustouflant.

D’une façon générale que cherchiez vous à convoquer avec le choix des musiques, souvent classiques ou baroques ?
VR & MF-R
: La musique nous permet de mettre en perspective le côté « sacré » du Tour, l’idée que l’homme a depuis toujours besoin de communier, d’être ensemble. Si les pèlerinages religieux sont moins présents de nos jours, les événements sportifs, et le Tour en particulier, peuvent être vus comme des pèlerinages des temps modernes. D’ailleurs le titre évocateur « La Grand-Messe » n’est pas de nous : il s’agit d’un surnom bien connu du Tour de France, « La grand-messe du cyclisme ».

On ressent à la fin du film cette mélancolie de colonie de vacances qui se termine, avez-vous partagé ce sentiment ?
M.F-R
: On l’a ressenti très fort. On a retrouvé la même tristesse qu’à la fin d’un tournage avec toute une équipe : il y a la fête du dernier jour et après c’est fini. Le public du Tour se disait au revoir avant même le passage des coureurs car il savait très bien qu’après tout le monde allait partir.
V.R : Et nous aussi, nous sommes vite partis d’ailleurs ! Comme quand on ne veut pas faire trop d’au revoir... Or certains de nos personnages principaux restaient encore quelques jours.

BIOGRAPHIE

MÉRYL FORTUNAT-ROSSI

Portrait-Méryl-Fortunat-Rossi

Méryl est originaire du sud de la France où il découvre la photographie au lycée avant de s’orienter vers le cinéma. De 2001 à 2005, il étudie la réalisation en Belgique à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD). Après de nombreuses piges pour le petit écran (RTBF), il se consacre au cinéma.
Auteur de plusieurs courts-métrages documentaires, notamment Aparicion sélectionné aux festivals d’Aix en Provence, Amiens, Split, Jihalava, Badalona… prix du public à Lago (Italie) et pré-nominé aux Magritte du Cinéma.
Côté fiction, il explore en compagnie de Xavier Seron un cinéma d’humour noir et décomplexé. Ensemble, ils co-réalisent Mauvaise-Lune un faux documentaire éthylique nominé au Magritte et primé à dix reprises, L’ours noir, une potacherie forestière couronné du Magritte du meilleur court-métrage en 2016 (le film poursuit sa folle aventure à travers le monde avec plus de 200 sélections en festivals et 30 prix reçus). Leur petit dernier Le Plombier qui est une comédie romantique érotico-acoustique, a déjà été primé à 10 reprises.


Enfin, en 2013, il passe de l’autre côté de l’écran en créant le Festival du cinéma belge à Nîmes et en Garrigue. Des vignes à la Garrigue, de Nîmes à Uzès, ce festival itinérant (et gratuit) permet aux cinéastes belges de présenter leurs films dans les villages gardois.

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BIOGRAPHIE

VALÉRY ROSIER

Portrait Valéry Rosier

Après une licence d’ingénieur de gestion à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve en Belgique, Valéry Rosier décide de se lancer dans la réalisation. Il se forme à l’IAD (École Supérieure des Arts) en Belgique. En 2008, il réalise Bonne Nuit, un court qui sera primé dans des dizaines de festivals et nommé aux European Film Awards en 2009. Il travaille comme assistant sur de nombreux longs métrages et participe à des projets d’art vidéo avec l’artiste belge Pierre de Mûelenaere.
En 2011, il produit et réalise un nouveau court, Dimanches, qui remporte de très nombreux prix dont le Prix Découverte Kodak à la 50e Semaine de la Critique à Cannes. En 2013, il termine son premier documentaire, Silence Radio, qui a reçu de nombreux prix dont le Fipa d’Or 2013 à Biarritz et le prix Mitrani 2013.


Il réalise ensuite Babel Express, une série documentaire de 8 x 26' en 2014, produit avec Arte. En 2015, il termine son premier long métrage, Parasol, sélectionné et primé dans de nombreux festivals.

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REVUE DU WEB

Encore un Tour

FRANCE CULTURE >>> Passion française, le mythique parcours cycliste attire sur ses routes des dizaines de millions de spectateurs chaque année. Au Tour du maillot jaune avec Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier, réalisateurs et scénaristes, et Max Cabanes, dessinateur et auteur de bande dessinée

L'ÉQUIPE >>> La Grand-Messe : Le Tour de France vu des campings-cars, un documentaire sur le Tour de France 2017. Un hommage drôle et émouvant aux spectateurs anonymes des bords de route.

LE SOIR Belgique >>> Avec La Grand-Messe, Valéry Rosier et Méryl Rossi rendent un bel et juste hommage au Tour de France et à son public de passionnés.

LES INROCKS >>> Bref arrêt sur le bas-côté avec des passionnés du Tour de France. Un documentaire sans cruauté ni empathie proche de l'étude sociologique.
L'ÉQUIPE >>> Retour sur la victoire de Warren Barguil, qui avait raboté de près de deux minutes le record de l'ascension la plus rapide de l'Izoard lors du Tour 2017.
TÉLÉRAMA >>> Repérés pour leurs courts métrages à l'humour absurde ou leurs documentaires à l'humanisme tendre, commis ensemble ou séparément, les deux réalisateurs belges se retrouvent associés pour ce film hommage au Tour de France.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    auteurs-réalisateurs Valéry Rosier et Méryl Fortunat-Rossi
    montage Julie Naas
    prise de Son Marie Paulus
    montage son Sylvie Fortin
    mixage Cédric Denooz
    étalonnage Pierre-Louis Cassou, Loup Brenta et Olivier Boonjing

    distribution salles Docks 66 & Ligne 7
    attaché de presse Stanislas Baudry
    programmation Jérémie Pottier-Grosman & Timothée Donay
    affichiste Cécile Van Caillie
    montage B-A Gaëtan Harem

    un film produit par Wrong Men - Benoit Roland & Supermouche productions - Emmanuel Georges & François Ladsous
    en coproduction avec RTBF - FRANCE TÉLÉVISIONS - DATCHA FILM
    avec le soutien du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Centre du Cinéma et de l’Image Animée - Tax-Shelter du gouvernement Fédéral Belge

    Artistes cités sur cette page

    Méryl Fortunat Rossi

    Méryl Fortunat-Rossi

    Valéry Rosier

    Valéry Rosier

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