Eldorado

cover festival eldorado lorient

Proposé par le Théâtre de Lorient, Eldorado est un festival pour et par la jeunesse qui a connu sa première édition en 2017. Au fil des spectacles, ateliers, scènes ouvertes, activités... les adolescents sont tantôt spectateurs tantôt acteurs, tour à tour impliqués sur scène ou en régie, en passant par la communication, la critique de spectacles ou l’accueil des publics.

KuB avait saisi cette expérience qui se renouvelle du 18 au 21 avril 2018.

INTENTION

L'adolescence bouillonnante

par Rodolphe Dana, directeur du Théâtre de Lorient

L’adolescence est une période de la vie qui m’intéresse particulièrement. Les sentiments y sont exacerbés : l’amour, l’amitié, la haine, la colère, la joie… Rien ne se pense à moitié. Rien n’y est tiède, y compris l’ennui, parfois féroce. Ce qui me passionne, c’est le paradoxe qui existe à cet âge-là entre une sensibilité bouillonnante, secrète et singulière, et une apparente suffisance, une fréquente timidité. Parce qu’il est très délicat de se distinguer, d’assumer sa différence, à cet âge et dans une société qui uniformise la pensée et le paraître, au détriment de l’être, de l’individu.
En tant que metteur en scène, j’ai tenté, à travers le théâtre, de donner à voir le rapport qu’un adolescent entretient avec le monde. Sa manière d’être au monde. Avec cette part d’ombre et de lumière. Cette existence délicate, précaire et fragile entre deux mondes : l’enfance et l’âge adulte. Mon but avec Eldorado, est de continuer à donner la parole aux adolescents, de leur permettre de cultiver leur différence, leur singularité. Car je pense que l’art est un moyen pour chaque adolescent d’assumer pleinement l’être qu’il est et celui qu’il est en passe de devenir.


Spectacles, ateliers, scènes ouvertes, activités libres : pendant quatre jours, les adolescents sont autant spectateurs qu’acteurs dans le festival. Ils sont invités à s’impliquer dans leurs domaines de compétence, depuis la scène jusqu’à la technique en passant par la communication, la critique de spectacles ou l’accueil des publics. L’enjeu est que chacun puisse s’exprimer sous le regard des autres, sans jugement de valeur.

CRÉATION THÉÂTRALE

IMAGINE

par Katja Hunsinger et le collectif artistique du Théâtre de Lorient

Imagine est le nom d'une création théâtrale pour douze comédiens amateurs lorientais, âgés de 15 à 21 ans, autour de la situation des réfugiés : détresse, guerre, fuite et abandon de sa patrie, de sa famille... Les jeunes se sont interrogés : et si c’était nous ? Et si c’était chez nous ? Et si c’était l’inverse ? Si la guerre, l’horreur, l’injustice, la mort qui rôde, c’était là, dans les rue de Lorient, en bas de nos immeubles ? Ensemble, ils ont imaginé un périple à l’envers. Depuis Lorient, par la route des Balkans et la Turquie, jusqu’en Syrie, ils nous racontent l’inimaginable avec des tableaux en mouvement. Il faut que j’y arrive, il faut que j’y arrive, à aller là-bas, sur les côtes plus chaudes, plus accueillantes. Là-bas il fait toujours bon, le soleil est doux, d’une couleur vive et sucrée comme les oranges… Là-bas les palmiers se dandinent dans la douce brise du soir, là-bas tu n’as jamais froid. Là-bas le thé à la menthe te réchauffe le cœur.

SUR LES ONDES

EldoRadio

avec Damien Tillard de Radio Balises

Réalisation d’une émission en direct, avec des invités, des lectures, la création d’un habillage sonore avec un animateur de la radio associative du pays de Lorient.

DANSE

HAPPY MANIF

par David Rolland et Valeria Giuga

Une déambulation chorégraphique, joyeuse et décalée, imaginée par le chorégraphe David Rolland et la danseuse Valeria Giuga : Happy Manif embarque le public, casque sur les oreilles et fourmis dans les jambes, pour devenir les interprètes d’une partition originale. Guidés par une bande-son créée par Roland Ravard et par la voix des deux danseurs, les manifestants voyagent à travers l'histoire de la danse : du ballet romantique aux improvisations de la danse contemporaine, en passant par les performances farfelues des pionniers de la danse post-moderne. Ludique et contagieuse, la Happy Manif déclenche surprises et bonne humeur sur son passage.

ATELIER ENCADRÉ

Scénographie urbaine

par Simon Augade, du collectif Multi-Prises

Le plasticien Simon Augade invite les participants à surligner un cheminement, rue du tour des Portes. Chacun lance une pelote de laine orange qui, à force d'allées et venues crée des sortes de persiennes guidant les pas des spectateurs. Une scénographie en pointillés, du parvis du Grand Théâtre au Studio, où il faut suivre un match où l’objet lancé bien identifié passe de main en main, de cadre en cadre, pour s’enrouler, s’attacher et finalement figer les lignes tendues dans une perspective aux cloisons laineuses. Ainsi, la rue ouvre le champ d’un eldorado éphémère.

PLURIDISCIPLINARITÉ

Scènes ouvertes

Une scène installée sur le parvis pour la musique, une autre au Studio pour le théâtre : le Théâtre de Lorient met à disposition du public deux espaces scéniques ouverts à la libre expression.
Les scènes ouvertes peuvent être investies par de jeunes musiciens, des clubs de théâtre étudiants, des ateliers de théâtre lycéens. Danse, musique, théâtre, improvisation, slam : tous les moyens d’expression artistique trouvent leur place sur scène.

Fanzine et soirée DJ

Rédigée par les jeunes du Club Eldo, en collaboration avec le service "communication" du Théâtre, la gazette du festival paraît chaque jour : programme de la journée, coulisses du festival, portraits d’artistes, de jeunes etc. Grâce à la Pépite, l’Eldorado n’aura plus de secret pour vous.
Suite aux ateliers menés par Lady 1000 Volts et Musiques d'Aujourd'hui au Pays de Lorient, des amateurs éclairés mettent le feu au hall du Grand Théâtre !

TÉMOIGNAGES

Club Eldo

Ils ont 15-20 ans, et ont intégré l’équipe qui a pleinement participé à l’organisation la première édition d’Eldorado.

Chloé, 16 ans, comédienne dans le spectacle Imagine :
J’adore le théâtre et les comédies musicales, et surtout j’adore jouer. Les textes sont forts, les rôles que je joue me plaisent. Je suis dans une troupe d’une douzaine d’élèves de première à Hennebont. C’est vraiment génial, on forme un groupe très soudé, et il y a une connexion tellement forte quand on joue ensemble.
Pour participer à Imagine, j’ai passé un casting où j’ai interprété un texte de Laurent Gaudé, la première scène du Tigre bleu de l’Euphrate. L’œuvre de lui que j’ai lue et qui m’a marquée, c’est justement Eldorado, un roman sur les migrants. Nous aussi, nous allons interpréter à tour de rôle un migrant pendant son périple.


Pour Imagine, on a appris à se connaître et à travailler ensemble. Nous avons rencontré trois réfugiés qui ont bien voulu nous raconter leur vie. C’était très puissant et intéressant : eux étaient sereins et gentils, pourtant, ce qu’ils nous disaient était terrible, ils ont vécu des choses très dures. Leurs récits, leurs gestes, leur façon de raconter, tout cela nous a beaucoup aidés pour créer Imagine.

Édouard, 19 ans, étudiant : J’ai besoin de m’investir ; je suis vice-président de l’association des historiens de la fac, élu à un conseil universitaire, fondateur d’un réseau d’anciens de mon lycée et j’ai d’autres projets d’associations. Je trouve primordial de s’engager dans quelque chose ! Et j’aimerais que les jeunes s’engagent davantage : on pourrait monter de plus grandes et plus belles choses. Plutôt que d’aller vers la politique, qui ne fait plus rêver grand monde, je préfère m’engager dans les associations, et surtout dans la culture. C’est très important : la culture permet de s’ouvrir aux autres et au monde. En participant au Club Eldo, j'ai vu ce monde de près, mon rôle a été d’animer les rencontres entre les artistes et le public à l’issue des spectacles.


J’ai découvert le théâtre grâce à mes professeurs au collège et au lycée : ils nous emmenaient voir des spectacles, on a rencontré une comédienne et monté une pièce. Le théâtre a contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui. C’est si intense : les émotions qui s’en dégagent, c’est bien plus fort qu’au cinéma parce que c’est réel, la scène se déroule devant nous ! C’est incroyable, ça me procure des frissons parfois, je trouve ça vraiment magnifique le théâtre. C’est pour ça qu’un festival destiné à la jeunesse est pertinent : pour attirer un public jeune, lui faire découvrir le théâtre le plus tôt possible et lui donner l’opportunité plus tard de fréquenter les salles de spectacle.
Ce sont les premières émotions qui souvent nous marquent. Moi, j’ai été frappé par certaines pièces comme
Oblomov avec Guillaume Gallienne, Fin de l’Histoire de Christophe Honoré ou plus récemment Les Armoires Normandes des Chiens de Navarre. Découvrir le théâtre avec un spectacle comme celui des Chiens de Navarre, c’est tellement drôle et étonnant, ça peut vraiment accrocher les gens !

Élina 16 ans, comédienne : Le plaisir du théâtre est déjà dans le travail du corps : on fait beaucoup d’échauffements, on prend conscience de son corps. En sortant d’une séance, je me sens davantage en vie ! Ensuite, c’est le plaisir de porter quelque chose sur le plateau. Il faut être un peu fou pour s‘exposer devant le public ; il y a aussi quelque chose d’un peu égoïste : on aime être sur scène. C’est également pour porter les mots en leur donnant une importance, une apparence nouvelle. Le plaisir finalement de montrer la beauté de notre langue, qu’on oublie au quotidien. Et puis j’adore l’ambiance du théâtre, les lumières, le décor. C’est ça le plus intéressant pour moi : trouver la manière la plus juste le message qu’on souhaite faire passer.


Pour Imagine, on y a mis beaucoup de nous puisqu’on imagine que la guerre est ici, chez nous, à Lorient. On a rencontré des réfugiés : un moment très fort, très émouvant. Plus on en sait sur ce qui se passe et ce qu’ils vivent, plus on a envie de défendre cette cause. Pour moi, c’est à cela que sert le théâtre : montrer quelque chose (sans forcément dénoncer), raconter une histoire, montrer la réalité telle que nous l’avons entendue et ressentie, pour que le spectateur se fasse son propre point de vue.
Proposer un festival destiné à la jeunesse, c’est extrêmement intéressant, pour tous les jeunes qui font du théâtre sur le territoire, il y en a beaucoup qui ont une âme d’artiste. Il est important d’emmener les enfants au théâtre afin de leur faire voir comme le théâtre est varié et intéressant, avant qu’ils ne reçoivent l’image que la société en donne parfois : uniquement des pièces classiques, du cabotinage, des textes pompeux… faire de la « prévention des préjugés » finalement, bien qu’il soit important de rencontrer plusieurs genres théâtraux.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    IMAGINE
    avec
    Raphaël Bello, Liza Biard, Élina Cadudal, Théo Cottin, Louna Gaudey-Montaland, Nicolas Le Corre, Théo Le Vagueresse, Laura Lewis, Chloé Mear, Marie Miscopein, Alexandre Sénélonge, Mélina Souissa
    texte & mise en scène Katja Hunsinger, Collectif Artistique du Théâtre de Lorient
    collab. artistique Marie-Hélène Roig
    lumière Valérie Sigward
    assist. scénographie Antoine Corbel, Juliette Courapied

    HAPPY MANIF
    conception
    David Rolland, Valeria Giuga
    montage sonore et musique Roland Ravard
    co-réalisation Conservatoire + Théâtre de Lorient

    STUDIO ELDORADIO
    avec
    Damien Tillard de Radio Balises
    création Noé, Gwenn, Titouan et Sabrina
    invité Rodolphe Dana

    THÉATRE DE LORIENT, CDN
    direction Rodolphe Dana
    directrice prod et prog Frédérique Payn
    directeur adjoint Nicolas Dupas
    secrétaire générale Alexandra Olivier

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