Jours étranges

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Jours étranges, tourmentés par les désirs et les découvertes, à l’âge où la confusion suscite la maladresse : des adolescents entrent dans la danse.

Des corps, une scène. Oser le mouvement sous le regard furtif des autres. L’approche, le contact, l’emprise… La danse est nuptiale par essence, elle est combat aussi, contre soi ou contre cet autre qui veut s’emparer de vous, vous blesser croyez-vous. Nous sommes tous en danse, timidement. Espérant être soulevés de terre par la grâce. Ce qui se joue dans Jours étranges est universel, et dépasse le cadre de la danse contemporaine et de l’adolescence.

FILM

JOURS ÉTRANGES

un film de Julien Oberlander (57' - 2012')

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

De septembre 2011 à mars 2012, dix jeunes danseurs amateurs, accompagnés de deux danseuses professionnelles, participent à la recréation de la pièce Jours étranges du chorégraphe Dominique Bagouet. Les thèmes de la pièce, comme la recherche d’identité et le rapport à l’autre, sont autant d’enjeux pour ces adultes en devenir. Au fil des répétitions, rythmées par le mythique album des Doors, Strange Days, les adolescents se confrontent au corps de l’autre. Il suscite tantôt émoi, timidité, désir.

Les jeunes se jaugent, se heurtent et parfois osent se toucher, être ensemble pour finalement se révéler aux spectateurs sur la scène du centre culturel rennais le Triangle. En parallèle à ce travail artistique, qui invite ces adolescents à exprimer leur personnalité, le film s’intéresse à leurs conversations intimes, entre ami(e)s, saisies dans leurs moments de liberté et d’errance dans la ville. À travers les quêtes amoureuses, propres à l’adolescence et objet de la pièce de Bagouet, ce documentaire raconte comment ces jeunes font naître collectivement une œuvre par l’affirmation de ce qu’ils sont.

Le spectacle

Jours Étranges est une des pièces majeures de Dominique Bagouet, créée en 1990, deux ans avant sa mort prématurée. Catherine Legrand, qui avait participé à sa création, revisite cette chorégraphie en 2012 au Triangle, cité de la danse à Rennes, avec Anne-Karine Lescop.

En avril 2016 au Théâtre de Lorient, les danseurs évoquent leur expérience et échangent avec le public en sortie de scène. Quatre ans après leur engagement dans l’aventure, les adolescents sont devenus de jeunes adultes, en capacité d’analyser leur expérience.

BIOGRAPHIE

Julien Oberlander

Julien-Oberlander realisateur jours etranges KuB

Né dans les années 70 à Paris, Julien Oberlander construit ses films à partir d’un arrière-plan marqué par le rythme d’une routine urbaine et domestique. Ils traitent du quotidien, des gestes qui se répètent, du lieu familier où ils prennent place et de l’interaction entre les individus qui sont contraints par cet univers. Ses films visent à montrer comment les actes de notre quotidien façonnent notre individualité. De ce point de vue le documentaire Jours étranges fait le récit, à travers les répétitions d’un spectacle, d’un processus artistique qui permet à des individus de construire leur personnalité.

J’ai voulu que ce film soit ouvert à tous les publics, au-delà des amateurs de danse contemporaine. Nous suivons des jeunes qui font l’apprentissage d’une chorégraphie. Leur personnalité, avec la touchante sincérité de leur âge, est notre porte d’entrée dans la danse. C’est par l’entremise des relations entre les adolescents que ce documentaire raconte la façon dont ils s’arment, tentent de devenir quelqu’un et se hissent progressivement vers une vie d’adulte. Cette traversée de leur adolescence par le biais de la pièce de Bagouet et à travers le regard de la caméra, est le témoignage de la conquête de leur liberté.


Actuellement

Julien Oberlander travaille actuellement avec un groupe d’adolescents d’un collège de banlieue parisienne avec qui il prépare un court métrage de fiction. J’ai souhaité mettre en place avec une dizaine de jeunes un travail d’écriture qui s’inspire de leur réalité. Ce scénario que nous construisons au fur et à mesure des séances est à la frontière du documentaire et de la fiction. Le versant documentaire c’est le territoire de la banlieue qui est incarné par ces jeunes de Clichy-sous-Bois. La fiction c’est le récit romancé d’une rencontre entre ces adolescents et un jeune réalisateur parisien qui les embarque dans la réalisation d’un film sur eux. Le film dans le film c’est la rencontre entre la fiction, avec les ambitions d’un réalisateur, et la réalité de jeunes de Clichy-sous-Bois. C’est l’histoire d’un rapprochement entre un homme à la curiosité parfois naive et des jeunes avides d’expériences.

REVUE DU WEB

Un corps en mutation

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La vignette d’Aude Lavigne >>> France Culture Fin 2012, Matéo Labrosse et Valentine Petitjean, deux danseurs du spectacle Jours étranges, témoignent sur France Culture.

Retour sur l’adolescence >>> Suite à la disparition précoce de Dominique Bagouet en 1992, sa compagnie réagit en créant les Carnets Bagouet, une initiative vouée à la transmission d’un riche patrimoine chorégraphique. Illustration ce soir avec la reprise de Jours étranges par de jeunes Rennais.

Jours étranges est né en 1990 d’une double empathie de la part du chorégraphe : l’observation off de ses danseurs, après les heures de répétition, alors qu’ils se défoulent sur la musique des Doors qu’il a laissée jouer dans le studio, et le souvenir ému de ses propres années d’adolescence, marquées par la découverte de ce groupe alors que les événements de mai sont encore à venir. Le travail de transmission mené par Catherine Legrand et Anne-Karine Lescop avec dix lycéens de Rennes vient souligner la portée universelle de ce regard sur l’adolescence.

Au son de cinq chansons de l’album Strange Days des Doors, devant deux murs d’enceintes pour seul décor, les dix adolescents interprètent pour nous une succession de tableaux qui brossent par petites touches les contours de leur identité collective. Ou l’adolescence décrite comme ce moment particulier où l’individu va peu à peu devoir émerger par et contre le groupe. Entre rougeurs et jeans troués, looks savamment négligés et soucis capillaires de tous ordres, ces lycéens rejouent pour nous la tragi-comédie que représente cette mutation ontologique, dont l’enjeu principal consiste à tenter de maîtriser ce corps qui fait souvent défaut. Un corps en mutation qui rechigne à épouser le conformisme ambiant.


Différentes voies

C’est ainsi que différentes voies sont explorées par les uns et les autres : l’humour, l’échappée solitaire, la discrétion, la séduction, autant de poses affectées qui semblent bien dérisoires dans ce jeu de rôles perdu d’avance, où l’anecdote règne en maître. Une seule issue, pour le meilleur comme pour le pire, et ce n’est pas pour tout de suite : grandir…

Une pièce à fleur de peau, où le trouble le cède au rire et à la tendresse.

Géraldine Bretault, novembre 2012

BIOGRAPHIE

Dominique Bagouet

Dominique Bagouet-biographie jours étranges KuB

Chorégraphe emblématique de la danse contemporaine française, décédé en 1992 à l’âge de 41 ans. De formation classique, il a notamment dansé au Ballet du Grand Théâtre de Genève d’Alfonso Cata, aux Ballets du XXème siècle de Béjart ou encore avec Peter Goss. Après s’être formé aux techniques de Martha Graham, véritable icône de la danse moderne, il fonde la Compagnie Dominique Bagouet. En 1980 il est nommé directeur de l’un des premiers Centres Chorégraphiques régionaux à Montpellier.

L’œuvre de Dominique Bagouet compte une quarantaine de pièces, et fait souvent appel à des artistes comme le musicien Pascal Dusapin ou le plasticien Christian Boltanski. Les influences éclectiques du chorégraphe trouvent leur source tantôt dans la musique classique, le rock, la pantomime, le cinéma expressionniste allemand ou dans des figures littéraires comme Frankenstein. Sa danse a parfois été qualifiée de néo-baroque.

Jours étranges, l’une de ses dernières créations, rompt en apparence avec des œuvres de son répertoire à la structure plus stricte.


Intentions du chorégraphe

Il s’agissait pour le chorégraphe d’aborder son adolescence et dans le même temps de s’affranchir de codes de la danse contemporaine. Pour retrouver cette liberté, il a voulu revenir à une spontanéité du mouvement telle qu’on peut la voir dans les élans débridés de la jeunesse. En 1967, Maria, une jeune américaine élève comme moi au Centre Rosella Hightower, ramenait dans ses bagages de vacances familiales le tout nouvel album d’un groupe alors presque inconnu en France, The Doors . Je me souviens de ces soirées à tendance « beatnik » bercées par la voix chaude de Jim Morrison, le climat de ces strange days correspondait parfaitement au désarroi de notre adolescence qui cherchait alors, dans ce qui est devenu une sorte de mythologie, ses propres valeurs et vivait aussi d’obscurs désirs mal définis de révolte contre les normes et les codes établis.

En réécoutant ce disque il y a quelques mois, je me suis senti prêt à affronter cette page de mon passé ; peut-être parce qu’elle est devenue déjà un peu floue et qu’ainsi cette musique, pour laquelle finalement je n’ai que peu d’opinions sinon qu’affectivement elle me bouleverse à chaque fois, me permet de renouer avec un état qui n’est pas si éloigné de celui d’aujourd’hui où la remise en question, la quête d’aventures, se heurtent encore à de nouvelles conventions, des systèmes qui redeviennent pesants et qu’il semble urgent de secouer. Alors avec cette pièce, disons qu’on essaie donc de commencer à secouer .

La production du spectacle

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Le centre culturel Le Triangle qui porte le projet scénique, est un lieu de création, d’invention, de débat, de pensées et d’échange situé dans un quartier cosmopolite de Rennes. Il place la création chorégraphique contemporaine au cœur de son projet de sensibilisation du public à l’infinie diversité de la danse et à sa capacité intrinsèque à émouvoir, communiquer, ouvrir l’imaginaire… La Cité de la danse propose ainsi une saison composée de nombreux spectacles de danse et accueille chorégraphes et auteurs en résidence. Des ateliers de pratique artistique y sont également proposés au public perpétuant ainsi le cheminement artistique et culturel du centre : nourrir des liens entre le quartier pluriculturel et les cultures du monde.

Anne-Karine Lescop et Catherine Legrand, des guides avisées

Catherine Legrand, assistante de Dominique Bagouet lors de la création de Jours étranges, a été interprète dans la Compagnie Bagouet pendant dix ans jusqu’à sa dissolution en 1992. Elle effectue régulièrement un travail de transmission de l’œuvre du chorégraphe auprès de différents publics : danseurs de ballets, élèves de conservatoires et lycéens.

Anne-Karine Lescop s’est intéressée à l’œuvre de Dominique Bagouet en développant un travail de recréation de soli, à partir d’extraits de l’œuvre du chorégraphe dans le cadre de l’Université de Paris VIII Saint Denis. Interprète de la chorégraphe Odile Duboc, elle s’est inspirée de sa pièce Projet de la matière, pour en faire une adaptation destinée aux enfants.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    danseurs
    Leslie Degot, Annabelle Defrance, Alexis Hédouin, Eve Jacquet, Matéo Labrosse, Shankar Lestréhan, Sarah Montreuil, Isaac M’Vemba, Melvin Nze-Eyoune, Valentine Petitjean, Pauline Rip

    prise de son Patrick Rocher, Corinne Gigon, Vincent Pessogneaux, Benoît Allard, Sylvain Bernard
    montage son Joan Cuq
    mixage Frédéric Hamelin
    montage Marie-Pomme Carteret
    étalonnage Marcello Cilurzi

    coproduction Patrice Nezan et Colette Quesson / Lesfilmsduprésent et À Perte de Vue
    avec le soutien de TVR Rennes 35 Bretagne, CNC, Région Bretagne, Procirep/Angoa

    Artistes cités sur cette page

    Julien-Oberlander realisateur jours etranges KuB

    Julien Oberlander

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