Balbec

par Gilles David (2020 - 55’)

Au fil des mois de l'année si particulière qui vient de s'écouler, les sociétaires de la Comédie-Française se sont relayés pour lire À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.
Dans cet extrait lu par Gilles David, Proust s’attarde sur les toponymies bretonnes (51'10) : Quimperlé y est attaché entre les ruisseaux dont il gazouille et s’emperle, l’accent aigu de Vitré losange de bois noir le vitrage ancien, le doux Lamballe dont le blanc va du jaune coquille d’œuf au gris perle… Les sonorités de ces lieux sont pour Marcel Proust autant de prétextes à l’évocation des souvenirs et la naissance d’images.

En septembre 1895, Marcel Proust âgé de 24 ans débarque un peu par hasard à Beg-Meil, près de Fouesnant dans le Finistère. Il est accompagné de son ami Reynaldo Hahn et tous deux tombent sous le charme des criques et de la végétation foisonnante de l’endroit. Ils s’installent à l’Hôtel Fermon où ils résident presque deux mois et dédient leur séjour aux promenades et à la rêverie. Dans leurs échanges épistolaires, Proust et Hahn s’émerveillent de la profusion des pommiers, des paysages de la baie et de la pureté de l’air. C’est à Beg-Meil que Marcel Proust commence la rédaction de Jean Santeuil, récit autobiographique annonçant La recherche. C’est probablement Beg-Meil qui lui inspirera Balbec, station balnéaire imaginaire située quelque part entre la Normandie et la Bretagne.

par C Tufféry

La région de Balbec ne correspond pas à un endroit réel identifiable précisément sur une carte. Balbec emprunte sa localisation et sa géographie à différents lieux et régions situés entre la Basse Normandie (région de Caen), le nord du Cotentin (région de Cherbourg et de Granville) et de la baie du Mont Saint-Michel (région de Coutances). Il est donc vain de vouloir précisément la situer. Cette absence de correspondance géographique entre lieux réels et lieux imaginaires invite le lecteur à se projeter dans certains lieux connus ou visibles sur des cartes et en même temps à laisser cours à son imagination. En fait, le lecteur ne peut que trouver des similitudes et des analogies géographiques et spatiales mais pas d’identification géographique ni de correspondance spatiale parfaites. C’est là l’un des mérites de cette œuvre.

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par Julien Cadilhac (2021 - 55')

Proust, programmateur musical ? Les familiers d’À la recherche du temps perdu ne s’en étonneront qu’à moitié, la musique occupant une place centrale dans son œuvre. Pour nourrir son récit, il allait jusqu’à demander aux plus grands interprètes de jouer pour lui. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il lui arrivait de tenir salon musical, à l’instar de ce dîner-concert intime qu’il organisa au Ritz en 1907. La proposition est donc simple : si l’on écoutait ce que Proust voulait écouter et faire écouter à ses convives ? Dans ce programme qui plonge dans les racines de la musique française autant qu’il témoigne de la fascination de Proust pour la geste wagnérienne, Fauré occupe une place de choix. On sait la haute estime en laquelle Proust le tenait ; la Sonate de Vinteuil dégageait certainement pour lui le léger parfum de celui qui était alors la figure tutélaire de la scène musicale française. Fauré devait d'ailleurs être l’invité d’honneur de la soirée mais il déclina l’invitation au dernier moment.