Suite Armoricaine

mains au ciel suite armoricaine pascale breton cover

En mars 2016, douze ans après Illumination, Pascale Breton sort son deuxième long métrage Suite Armoricaine, confirmant la force et la sensibilité de son cinéma, et offrant au public une plongée vertigineuse dans nos origines : la mère, la nature ou encore la langue, toutes sur le point de s’éclipser.

BANDE-ANNONCE

COUP DE COEUR D’OLIVIER BROUDEUR

foret Suite armoricaine Pascale Breton

Suite Armoricaine est un film juste et profond qui aborde la question des origines non pas du côté d’un quelconque particularisme breton, mais de celui d’une singularité; non pas du côté de l’identité, mais de celui de l’intimité. Il ne s’agit donc pas, ici, de différenciation ou de thèse à défendre, mais de rapport à soi que doivent comprendre les deux personnages principaux admirablement joués par Valérie Dréville et Kaou Langoët.

C’est parce que Pascale Breton ne brandit aucun étendard et ne fait aucune démonstration que ce film est si puissant et bouleverse au plus profond de soi.

Suite Armoricaine est un film unique et sublime ; un film symphonie, un film monde. Réaliser un tel chef d’œuvre est le travail d’une vie d’attention accordée aux choses,


une vie de culture et de compréhension intime de l’âme humaine. Tout y est parfaitement à sa place, essentiel et délicat; la magie des plans et l’agencement des scènes – toutes indispensables à l’histoire l’utilisation du breton, la convocation des symboles…

C’est un joyau esthétique et émotionnel; un enchantement.

Il se pourrait bien que la Bretagne tienne, avec ce chef d’œuvre digne des plus grands, son grand film, son œuvre cinématographique de référence qui ne manquera pas de durer dans le temps.

Olivier Broudeur a co-écrit et co-réalisé Erémia-Erèmia, Dounouia et Lueurs avec Anthony Quéré. Il prépare la réalisation en solo de Mer.

Une année universitaire à Rennes vécue par deux personnages dont les destins s’entrelacent : Françoise, enseignante en histoire de l’art, et Ion, étudiant en géographie. Trop occupés à fuir leurs fantômes, ils ignorent qu’ils ont un passé en commun.

LES À-CÔTÉS DU FILM

Quatre vidéos d'Antoine Tracou pour KuB

(durées de 4 à 8’)

  1. Les deux jeunes acteurs Kaou Langoët et Manon Evenat se retrouvent au Ciné TNB pour parler de leur perception du film et des personnages – Ion et Lydie – qu’ils y incarnent.

2. Camille Lotteau, assistant à la réalisation et co-monteur du film arpente le campus de Rennes 2, croisant les décors choisis par Pascale Breton sur son film, tout en témoignant de l’usage que la cinéaste a fait de ces espaces.

3. Histoire d’une photo : Bernard Collet explique à Vincent Allain dit Ian Craddock, comment il a truqué sa photographie originale – le backstage d’un concert punk – pour y intégrer les personnages de Suite Armoricaine, dont cette photo est un leitmotiv.

4. Pierre Bazantay, professeur de littérature à Rennes 2, témoigne de l’expérience de coopération entre l’institution et la cinéaste, et du sens que recèle, pour l’institution, son inclusion dans son œuvre.

En savoir plus sur Antoine Tracou

Gascon d’origine, Antoine Tracou décide très jeune d’être breton. A 20 ans, il s’exile à Paris comme assistant à la télévision. Il y pousse les portes de quelques magazines ambitieux aujourd’hui disparus du PAF : Brut, Archimède (Arte) avant de réaliser des documentaires pour France 5 sur l’environnement et la science. Il réalise aussi des films pour des ONG : Médecins sans frontières, Sidaction… Depuis son retour à Rennes en 2008, il collabore régulièrement avec le magazine Littoral de France 3 Bretagne. Ses projets se partagent aujourd’hui entre le développement de l’atelier d’ARAN et la réalisation de documentaires.

REVUE DU WEB

Entre mythologie et introspection personnelle

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Il est rare qu'un film fasse couler autant d'encre. Cette copieuse revue de presse est le signe d'une inspiration collective des critiques, dont nous vous restituons ici le meilleur.

Jean-Michel Frodon, Slate.fr >>> Saluons sans hésiter le premier grand film français de cette année. Un film si plein, si riche, si vivant qu’il ne cesse de résonner davantage, des jours et des semaines après qu’on l’a vu. Un film de 2h30 dont très tôt on se prend à souhaiter qu’il sera plus long encore, tant les essors progressifs de ses personnages, et la manière dont leurs histoires se tissent ensemble pour composer un monde réel et imaginaire, présent et inscrit dans une durée longue, est porteuse d’autant de suggestions laissées en suspens que d’accomplissements.

Anne Diatkine, Libération >>> Il faut prendre son temps pour apprécier Suite Armoricaine, douze ans après Illumination. Pascale Breton l’a construit comme un puzzle où il manque toujours quelques pièces et où celles qui subsistent ne cessent de bouger de place et de sens. Prendre le temps de scruter le visage de Valérie Dréville, star au théâtre dont c’est le premier rôle majeur au cinéma, interprétant une universitaire quittant Paris pour Rennes, le temps d’une immersion nostalgique et iodée. (…) Un à un, comme des cailloux qui ramènent à l’enfance et à la langue bretonne percluse, les amis de la photo ressurgissent. Ce peut être dans un rêve, ou sur le banc de la fac, sous la forme d’un jeune étudiant ou encore d’une clocharde revendicative. Dans ce personnage sans but, qui ne se laisse entraver par aucune ambition conformiste, mais découvre son dessein après coup, Valérie Dréville, son contour indéfini, et son physique si loin de toute mode, fait merveille.


Frédéric Strauss, Télérama >>> La cinéaste accompagne avec ferveur ce mouvement d'avancée inscrit dans le titre. Elle accueille la fragilité des personnages, qui ont tous perdu et pas encore retrouvé leurs repères, pour mieux les entraîner vers un territoire à défricher, à déchiffrer, dont ils prennent peu à peu la belle mesure : leur vie. On pense aux romans de Philippe Le Guillou, qui a souvent raconté sa Bretagne comme le lieu d'un éveil au monde et à soi-même. On pense aussi au cinéma d'Arnaud Desplechin, pour l'art de jouer une partition clairement autobiographique avec raffinement et mystère.

Vincent Ostria, Les Inrocks >>> La séduction du film repose aussi bien sur le mystère actuel de ses personnages que sur son immersion dans le passé. Chacun des souvenirs de jeunesse ou d’enfance, chaque référence à l’histoire de l’art ou de la Bretagne, propulse les héros en avant, d’abord à travers les dédales de la ville de Rennes et les recoins de son université, souvent filmées la nuit, puis dans la nature et le paysage. La vision apaisante de cette Arcadie de fiction (plan magique sur la boucle d’un fleuve striée par un hors-bord) est le point d’orgue d’un périple nostalgique, aussi mental que matériel, qui happe et intrigue sans recourir aux conventions habituelles du cinéma romanesque. Un pèlerinage habité.

Annie Coppermann, Les Echos >>> Suite armoricaine est sans doute l’un des films les plus originaux que l’on puisse voir ces temps-ci. Il exige, certes, de la patience (il dure 2h28), de l’attention, aussi, par son mélange insolite d’intellectualisme et de romanesque. On peut même y perdre un peu pied, en passant sans cesse du tableau (parfois plein d’humour) du milieu universitaire à celui, très électrique, de la jeunesse punk d’il y a vingt ans, d’une réflexion très philosophique sur le temps à un hymne très sensuel à la nature (toujours magnifiquement photographiée). Mais, si l’on aime sortir des sentiers battus, il serait dommage de bouder sa discrète et très personnelle petite musique. Que l’on ait ou non des racines bretonnes !

Le temps >>> La réalisatrice organise avec fluidité les différentes composantes de son récit de la ressouvenance. Elle établit un réseau de correspondances entre les signes de l’art et ceux de la vie – visiblement, Moon est comme cette âme damnée dans la peinture de Joachim Patinir, à bord de la barque de Charon, qui regarde du côté de l’enfer parce que ses abords sont séduisants. Elle introduit de fines cassures dans la continuité temporelle en reprenant le cours du récit selon un autre point de vue. Elle soigne les moindres détails: on entend sur la bande-son un ­extrait de Rock Bottom, le chef-d’œuvre de Robert Wyatt, disque de la reconstruction composé après l’accident qui laissa hémiplégique le batteur de Soft Machine.

critikat.com >>> Il faut reconnaître à la réalisatrice d’avoir su imposer dès son premier film une vraie singularité de ton dans sa manière de dépeindre entre doutes et décalage les tourments existentiels d’un jeune Breton. La jolie familiarité qui émanait de ce résultat aussi incongru qu’enthousiasmant nous avait laissés un peu orphelins : c’est donc avec une joie non dissimulée que nous accueillons Suite Armoricaine, ce deuxième long métrage un peu hors-normes, à la fois libre dans sa structure éclatée qui se nourrit des inconstances des personnages et précis dans son obstination à traverser les apparences. S’il est probablement plus grave et moins fantasque qu’Illumination, Suite Armoricaine continue néanmoins de se nourrir de cette circularité des énergies entre les personnages. Mais surtout, on retrouve cette malice propre au cinéma de Pascale Breton, faisant de l’existence un étrange jeu de piste parsemé d’énigmes à déchiffrer. Quelque part entre la mythologie et l’introspection personnelle, la réalisatrice filme l’espace se dérobant sous les pieds de ses personnages, faisant fi des frontières (géographiques, sentimentales, filiales, surnaturelles) pour mieux toucher à l’abstraction de leur être. Françoise analyse pour ses étudiants des tableaux qui fourmillent de symboles et messages cachés laissés par ceux qui les ont peints. Mais le brouhaha constant qui occupe le champ sonore trahit l’incertitude qui parcourt Suite Armoricaine de bout en bout. (…) Cela donne parfois le sentiment d’un film qui, à l’image de ses personnages, se désarticule pour atteindre un certain délitement. Et c’est dans cette lente désintégration du temps – où même les rêves les plus lisibles viennent obscurcir toute pensée qui se voudrait réflexive – que Suite Armoricaine trace sa route, aussi sinueuse soit-elle, vers un territoire aussi beau qu’inconnu.

Damien Leblanc, Première >>> Rares sont les films français capables de faire surgir avec inspiration des univers peuplés de fantômes et de souvenirs enfouis. Tel est pourtant le miracle qui advient au cœur d’un décor labyrinthique (le campus de Villejean à Rennes) où une enseignante en histoire de l’art redécouvre les lieux de sa jeunesse tandis qu’un étudiant lunaire cherche, lui, à fuir ses origines. La réalisatrice use d’une superposition de temporalités où se déploient plusieurs points de vue et offre un sublime écrin formel à ses personnages. Ils se réinventent au contact de la mémoire collective bretonne, qui dévoile ses multiples visages. L’émotion s’invite tout au long de cette hypnotique odyssée sensorielle.

Dominique Widemann, L’Humanité >>> Suite Armoricaine filme la temporalité… Il s’étend sur un cycle universitaire et ses saisons, combinant les forces mystérieuses de la nature et celles de l’âme humaine, les simples cueillies dans la mousse d’un ruisseau à l’essence du grand art. Les paysages sont filmés en majesté sur une partition d’images agissantes, de répertoires musicaux en strates. A la fac de jeunes anthropologues retiennent la langue bretonne qui se perd. Quand ce que nous voyons à l’écran déjà n’est plus, la floraison exubérante d’un arbre, l’année à venir, apportent le réconfort des émotions réconciliées.

Sud Ouest >>> Suite armoricaine est à l’image de son actrice dont chaque pas sur le terrain d’autrefois est une mini secousse, un glissement plus exactement vers ce temps retrouvé dont Proust affirme qu’il est à portée olfactive et dont Pascale Breton, renchérissant sur l’écrivain, montre qu’il est le fruit d’un cheminement aussi fluide que léger, proche de l’abandon, ami de contemplation et du détail – qu’il s’agisse de regarder un tableau de Nicolas Poussin ou d’entrevoir les signes du destin qui se cache derrière le temps qui passe et la vie qui va.

Pascal Le Duff, Le Télégramme >>> Ce film particulier aurait presque pu s’intituler « Fuite Armoricaine », ses protagonistes partageant la même envie d’échapper à leur enfance. Pascale Breton joue avec les temporalités pour créer un ressenti magique, certaines séquences étant montrées sous deux angles différents sans que l’on comprenne précisément leur enchaînement chronologique lorsqu’on les découvre, le rapprochement se faisant subrepticement. (…) L’histoire complexe mêle, entre autres éléments, dans une atmosphère irréelle, une réflexion sur les origines, l’amnésie avant le rappel brutal de la mémoire, beaucoup d’autodestruction et une fascination physique pour l’art et la peinture.

ENTRETIEN AVEC PASCALE BRETON

Le cinéma accueille le temps vécu

Choix difficile : vous avez d’un côté un entretien filmé par le GNCR* où Pascale Breton nous parle de son film et de l’autre côté, un entretien. D’un côté l’incarnation de l’artiste, de l’autre la précision d’un verbe plus affûté. Vous pouvez aussi commencer par la vidéo puis enchaîner avec la lecture… Ou l’inverse ;-)

* GNCR : le Groupement National des Cinémas de Recherche qui a soutenu la sortie de « Suite armoricaine »

Le titre, Suite Armoricaine, évoque au premier abord une suite possible de votre précédent film et aussi, bien sûr, l’idée de suite musicale, alternance de teintes sonores, reliées ensemble pour former un tout cohérent…

En effet, le titre est comme une réponse ironique au temps qui s’est écoulé depuis Illumination. Il contient la dimension du temps, qui est le sujet du film, du temps qui avance de suite en suite. Dans une suite au sens musical, les musiciens n’avaient pas besoin de se réaccorder entre les différentes pièces, et ainsi les danseurs n’arrêtaient jamais de danser. On aimerait qu’il en soit ainsi entre deux films. Je voudrais entrer dans le film suivant alors que le précédent est à peine terminé. Ça n’est pas toujours le cas ! Mes courts métrages s’étaient bien enchaînés, mais après Illumination j’ai dû affronter cette expérience douloureuse dans la vie d’un réalisateur : ne pas réussir à porter à l’écran ses scénarios. Ça a été particulièrement cruel pour le dernier d’une série de trois, Chansons pour Gracchus : nous avions commencé la production et le casting, mais le financement n’arrivait pas.


Après cet arrêt, alors que je me voulais neuve et désoeuvrée, l’idée d’écrire un film sur la fac où j’avais étudié la géographie m’est venue subitement, un jour où je roulais dans les avenues de Villejean à la recherche des bureaux d’une association. J’avais gardé le souvenir d’un « grand ensemble » aux arbres maigres et aux proportions approximatives ; c’était devenu, trente ans après, une sorte de forêt dont surnageaient à peine les immeubles, comme dans une ville abandonnée à cause d’une catastrophe. Je me suis dit nettement : il faudrait tourner un film entier à Villejean. J’ai pensé aussi que la fac en serait le coeur. Parce que les années passent, mais les étudiants ont toujours vingt ans.

Et le sujet allait être, d’une certaine façon, la substance du temps…
Oui, et dans l’exaltation où je suis quand un sujet me tombe dessus, j’étais persuadée qu’un film sur le temps ne pouvait se situer qu’à Villejean. C’était sans doute vrai pour moi mais je ne le savais pas encore.

Deux semaines plus tard, à la fin d’une projection de films d’étudiants, je rencontrais Éric Thouvenel et Roxane Hamery, tous deux enseignants en cinéma à Rennes 2. Je leur confiais mon souhait de tourner dans l’université un film de long-métrage en collaboration leur confiais mon souhait de tourner dans l’université un film de long-métrage en collaboration avec les étudiants. Ils ont trouvé que c’était une bonne idée, et ils en ont fait part à l’administration.
L’idée d’un film universitaire qui pourrait se tourner avec quelques petites aides publiques, un matériel minimal et une équipe étudiante me redonnait confiance dans un projet de cinéma. Comme je voulais être prête pour commencer à tourner à la rentrée suivante (on était déjà en avril et la rentrée est maintenant en septembre), j’ai décidé d’utiliser la méthode d’écriture improvisée de Cesare Zavattini, le père du néo-réalisme italien : écrire sans chercher à connaître la fin, avancer dans le récit comme dans un pays inconnu qu’on découvre au fur et à mesure.

Par leurs parcours très différents, leurs expériences et leurs âges respectifs, Françoise et Ion ne cherchent pas la même chose : Françoise revient là d’où elle s’était « échappée ». Ion, lui, cherche à s’échapper de ce qui lui rappelle une enfance amochée par une mère immature…
Les deux personnages sont comme le recto et le verso d’une même médaille : Françoise, professeure d’histoire de l’art, débarque à Rennes comme une somnambule à la recherche d’ellemême, ayant oublié le pays de son enfance au profit d’une contrée imaginaire dont elle a fait son objet d’étude : l’Arcadie ; et Ion, incomplet tel un ion, enfant incertain d’une mère en exil, étudie la géographie pour conjurer la menace du « no man’s land ». Tous deux ont occulté leur enfance. Françoise pour s’épargner la nostalgie, et Ion la honte que lui inspire sa mère devenue SDF. Et chacun, au moment de choisir l’objet de ses études, a opté pour la matière qui pouvait lui masquer le plus agréablement possible son origine douloureuse : Françoise l’histoire du paysage italien derrière lequel elle a pu escamoter ceux de son enfance, et Ion la géographie pour se situer dans l’espace, lui qui a partagé l’errance de Moon, sa mère.

Démultipliées, les voix se répondent, s’opposent, s’annulent, se fondent. Peut-on dire qu’il s’agit d’un film choral ?
Oui, même si un film choral compte généralement plus de deux personnages principaux. Mais dans Suite Armoricaine, chaque figurant, et presque chaque arbre, a le droit à son point de vue. La complexité d’un film choral consiste justement à manier les changements de points de vue. Ici, j’ai écrit les retours en arrière pour faire avancer le récit comme par vagues. Chacune des rencontres de Françoise et de Ion est considérée de leurs deux points de vue à la faveur d’une remontée dans le temps. Ainsi le spectateur est convié à une dérive maritime dont on ne mesure jamais à quel point elle nous éloigne du point de départ. L’attention devient flottante et, paradoxalement, cette légère déréalisation accentue les sensations de réalité. Vers le milieu du film (le chapitre « Miz Kerzu »), Françoise et Ion sont rattrapés l’un et l’autre par leurs passés et contraints de s’y confronter. Sans doute pour le meilleur si l’on en croit Albert Camus, qui disait que rien ne se paie plus cher que le mépris des origines.

L’université, dans laquelle évolue tout un monde d’étudiants, de chercheurs, d’employés, liés par quelque chose qui les unit et les dépasse et qui n’est pas seulement la quête du savoir, apparaît dans la façon dont vous la filmez, comme une matière organique, un personnage essentiel du film.
Mon projet de départ – un film universitaire – est devenu un film professionnel, parce que le scénario a plu à Paul Rozenberg et Mélanie Gerin, mes producteurs. Mais il en est resté plus que le scénario et la sensation de liberté : l’université m’a accordé une résidence autour de laquelle s’est constitué un groupe de onze étudiants en cinéma. Tandis que l’équipe partait et revenait, je restais sur place, à Rennes, pour ma rencontre hebdomadaire avec mes étudiants associés, et aussi pour hanter les décors, y découper mes scènes. Nous avons tourné de septembre à avril, de la rentrée aux examens, avec le concours des étudiants en cinéma qui venaient figurer avec talent dans les scènes d’amphi. Ce qui, au scénario, re semblait à un geste, une danse décomposée dans un temps long et sur une scène presque unique (Rennes), s’est avéré un tournage complexe pour notre toute petite équipe. Les personnages étaient nombreux et devaient être réinventés à chaque saison (les costumes, les coiffures, les barbes…). Les jeunes gens de la boîte de nuit où on voit Moon et Françoise jeunes filles, le grand-père, Françoise enfant, mais aussi les personnages des SDF demandaient le soin d’une reconstitution historique. Je voulais qu’on y croie, et même que la croyance soit totale, bien que la précision réaliste ne soit pas le plus important pour moi. C’est seulement un (indispensable) préalable au lyrisme.

On connaît la très grande actrice de théâtre qu’est Valérie Dréville. On la voit peu au cinéma. S’est-elle imposée à vous dès l’écriture du scénario ?
Je ne pense jamais aux acteurs quand j’écris, seulement aux personnages. J’entretiens même le flou de leurs visages pour mieux creuser leurs pensées. Je m’intéresse particulièrement à leur inconscient. Je me demande toujours quel genre d’actes manqués ils font, quels rêves… Le rôle de Françoise n’était pas simple, il fallait s’incorporer la psyché de cette Bretonne historienne de l’art, avec des bribes de la langue de son grand-père en filigrane dans ses pensées. A l’époque du casting je ne l’ai pas formulé comme ça, mais en fait j’étais à la recherche d’un alter ego. Valérie était très prise au théâtre, il a fallu des acrobaties dans son planning et le nôtre pour trouver le nombre de jours dont nous avions besoin pour Françoise. Nous n’avons eu que très peu de temps pour répéter, en particulier avant le début du premier tournage. Or j’ai l’habitude de lire et répéter le scénario en entier avec les acteurs.

Comment avez-vous procédé pour parvenir à concilier ces contraintes ?
Pour le chapitre «Septembre», quand Françoise débarque à Rennes, en crise d’identité, Valérie avait bien sûr lu le scénario en entier, mais nous n’avions pas commencé à travailler sur la période punk (« Miz Du » et « Miz Kerzu ») ni sur l’anamnèse de son enfance (de « Janvier » à la fin). Puisque le personnage n’en était pas là, cela pouvait rester nébuleux. Valérie était d’accord pour se risquer dans cette ignorance partielle, et ça me plaisait : dans la création de son personnage se poursuivait la joie d’improviser que j’avais eue à l’écriture.

Ion ressemble d’une façon troublante à Sid Vicious…
Je l’avais vu la première fois quelques années auparavant sur une scène punk rock dans le Finistère. Il avait dix-neuf ans et a déboulé torse nu sur la scène en hurlant en breton tel un Sid Vicious, effectivement, réincarné. Il m’avait confié son désir d’être acteur. Contrairement à Valérie, qui partait travailler sur d’importants spectacles entre deux périodes de tournage, Kaou restait tout le temps avec nous. Nous passions du temps à préparer les scènes, plus qu’à les répéter. Il y avait toujours quelque chose de physique dans ses scènes, il fallait un peu chorégraphier.
Comment Lydie allait-elle monter sur ses épaules ? Comment Ion éviterait-il les gestes maladroits de tendresse de Moon ? Comment allait-il chuter dans l’amphi ? Comment se glisserait-il dans sa hutte de carton au sous-sol de la bibliothèque ?

Le fait que vous ayez fait des études de géographie influe-t-il sur votre relation à l’image et au cadre, en particulier lorsque vous filmez en plan large des vues d’immeubles et d’arbres mêlés ainsi que le plan final où se déploie un magnifique paysage final ?
Le format du scope s’est imposé à moi dès les premières photos de Villejean que j’ai prises pendant l’écriture du scénario. Le format 2,35 évoquait la fresque – qui est une donnée du film, picturalement et narrativement – et donnait du paysage urbain une sorte de coupe stratigraphique dès lors qu’on était en plan large. Il m’a semblé être la mesure idéale entre l’architecture urbaine et végétale (qui perdait de sa hauteur, sauf aux moments voulus) et les (nombreux) personnages. Idéale pour ce film effectivement très géographique puisqu’une des questions est : comment les humains habitent-ils le monde ? Il y a des habitats très variés dans Suite Armoricaine : un appartement vide, une chambre d’étudiant, le bosquet d’un parc, une hutte de carton dans un sous-sol, un ruisseau. J’avais renoncé à mon film sur Gracchus Babeuf, mais pas à son credo : « la terre n’est à personne, les fruits sont à tout le monde ». La géographie (à la façon du cinéma selon Bresson) est une discipline qui apprend à aborder avec un sentiment d’égalité toutes les pratiques humaines : ainsi, le film fait se côtoyer picturalement ces herbes communes qui guérissent de la peur (en tous cas selon les disconter – mot breton d’origine latine qui désigne les guérisseurs qui défont le sort/le conte…), avec un tableau de Poussin, de Paolo Uccello ou de Corot.

Le montage obéit à une scansion dramatique bien particulière. Pouvez-vous nous donner des pistes sur ce que vous aviez en tête pour l’un et l’autre ?
Dans le premier bout-à-bout, une énergie fiévreuse et désordonnée se dégageait des rushes. Le scénario tenait toujours debout avec sa structure en vagues, mais il a fallu du temps pour organiser cette fièvre et ce chaos. L’incarnation, ce n’est pas rien, ça oblige à tout revisiter. Le film était un labyrinthe plus désorientant que je ne le pensais, et au cours du montage nous avons dû en étudier les culs-de-sac, les retours en arrière, les méandres. C’est seulement quand nous les avons connus par coeur que le montage s’est terminé. Le montage, c’est une réinterprétation, mais aussi au sens musical. Et la partition était complexe. Alors il fallait tout réapprendre pour rejouer. Ça a été la même chose au montage son.

La musique n’est pas seulement là pour accompagner les images mais pour lire autre chose qui n’est pas visible. Pouvez-vous expliquer comment vous avez procédé dans le choix des morceaux et de l’orchestration originale ?
Trois morceaux figuraient au départ dans le scénario : la Pavane de Holborne, Clockface de Siouxsie et Contort Yourself de James Chance. J’ai apporté Little Red Hood de Wyatt au montage, pour avoir un morceau qui justifie la manière de parler fort des acteurs. Et il est resté – on aurait pu s’en douter – c’est un morceau irremplaçable. Éric Duchamp (avec qui j’avais déjà travaillé pour Illumination) a composé des musiques : Muse – le thème de Françoise – est une déstructuration de la Pavane de Holborne ; Arcadia (le thème de Lydie) est une version rock d’une mélodie franchement bretonne. D’autres morceaux me sont arrivés de Klet Beyer, Ben Mazeau… Le morceau du départ vers le Finistère est un titre remixé de l’excellent groupe finistérien Chapi Chapo. Tout faisait musique : une berceuse en roumain chantée par Elina Löwensohn, une ballade en breton de l’acteur qui joue le grand-père (on l’entend dans le rêve). Nous avons fait chanter à Laurent Sauvage ( John) un texte d’Éric Duchamp sur un morceau qui nous semblait assez rennais. D’une façon générale, et vous avez raison de le souligner, la musique n’est pas utilisée comme une musique de film. Elle n’accompagne pas les sentiments, elle vient plutôt les contrarier, les mettre en perspective avec autre chose. Chaque morceau de musique est comme un rush sonore, un bloc qui se confronte à l’image.

La langue bretonne, qui était encore parlée par un demi-million de locuteurs dans les années 1980, est un thème que le cinéma français a peu abordé…
Je ne m’attendais pas à tomber sur ce sujet si important pour moi en commençant à écrire sur l’université. Important parce que, comme Françoise, et c’est là le vrai point d’autobiographie je fais partie de la première génération de ma famille à ne pas parler breton. Et ce n’est pas la même chose que de ne plus parler l’arabe ou l’italien de ses grands-parents, langues qui continuent de vivre ailleurs. C’est plus proche de ce que peuvent ressentir certains Amérindiens. Un monde, une culture, se fait submerger sous nos yeux, et notre enfance avec.

Mais vous n’en faites pas pour autant un objet de désolation…
Non, parce que j’ai été contente, quand je suis revenue en Bretagne au début du millénaire et après quinze ans à Paris, de rencontrer des néo-brittophones comme Klet Beyer (l’acteur principal d’Illumination, qui joue ici un rôle secondaire mais déterminant) ou Tangi Daniel (qui joue le compagnon de Moon). Mais la musique de la langue telle qu’elle était encore si communément parlée quand j’étais enfant n’est plus là, ni les modes de politesse, les rituels de la nature. Qu’en fait-on, de ses mondes engloutis ? Cette question résonne avec celle de Baudelaire, qui a aussi sa place dans le film : où sont nos amis quand ils sont morts ?

Vous semblez répondre : dans un film.
Oui, c’est là qu’arrive l’art, lorsqu’on en a besoin comme d’une nourriture. Il y a eu beaucoup de jeunes morts dans ma génération. Stéphane, le bibliothécaire, l’évoque dans la conversation au Restaurant Universitaire. Mais Françoise et lui évitent volontairement le sujet. Les nombreux morts de l’épidémie du sida à l’époque où n’existait aucun soin, c’est encore un sujet tabou. Le cinéma, particulièrement, est un mausolée scientifique. Il n’accueille pas seulement les vivants mais leur vie même. Il accueille le temps vécu, l’air, les gestes, chaque battement de cils, chaque souffle. Dans Suite Armoricaine, il y a de nombreuses formes du souvenir qui, même si petit à petit Françoise y accède, gardent leur dose de flou. Soudain, après avoir appris la mort de Moon au téléphone, c’est une scène entière qui lui revient en mémoire, celle qu’elle avait vécue avec son amie au café.

Cette scène était-elle déjà à cet endroit au scénario ?
Oui, mais c’est la seule que j’ai rajoutée tardivement, après le casting. J’avais deux actrices impressionnantes et très différentes, Valérie Dréville et Elina Löwensohn, j’ai eu envie de leur donner une scène où elles seraient à égalité, chacune défendant la vérité de son personnage. C’est la seule scène aussi qu’on n’a ni répétée ni vraiment discutée. Les actrices savaient. C’était extraordinaire de les voir jouer ce long flash-back (c’est un oxymoron) tellement au présent, sans la moindre nostalgie. D’ailleurs, le film avait besoin de tout ce qui est dit dans cette scène – et peut-être encore plus de ce qui s’y joue du pouvoir ultime du cinéma : ressusciter un humain. Le cinéma est un art de la mémoire (une « mosaïque de temps », disait Tarkovski, ce qui revient au même).

La notion d’Arcadie est le cœur de votre film. On se souvient que cette région de la Grèce antique est devenue au cours des siècles une terra incognita idéale, un éden de bergers heureux… C’est, j’imagine, la Bretagne de votre enfance et de votre jeunesse ?
Quand j’étais enfant, j’avais des rêveries pastorales, en effet. J’aimais énormément la campagne dans chacun de ses détails, tel talus, tel houx, tel nombre de vaches dans tel champ en pente. Je prenais des photos, longuement cadrées. Le remembrement dévastateur à Argol, la commune de mes grands-parents, m’a rendue inconsolable l’été de mes sept ans. Des bulldozers avaient détruit mes chemins préférés, les lieux de pique-nique, etc. De ce chagrin j’ai été consolée des années plus tard par Patti Smith, les Clash, Siouxsie, les Cure, Joy Division. Puisque le mal était fait, l’éden perdu, il fallait cette musique sombre et un nouveau romantisme, construit sur la nuit, l’amour physique, le renoncement aux utopies collectives. Le punk a été, y compris (et avant tout) musicalement, une sortie radicale des Arcadies que nos prédécesseurs baba cool avaient réinventées.

Le mouvement de balancier entre l’Arcadie et modernité n’est effectivement pas nouveau, et on peut en retrouver la trace dès la Renaissance, comme l’explique Françoise Diraison dans l’un de ses cours…
L’Arcadie est un pays, un paysage, et aussi une représentation de la jeunesse, la métaphore du vert paradis des années estudiantines, et de plein d’autres choses séduisantes. Mais le plus important en Arcadie, Poussin le met au centre du tableau. Masquant le paysage, c’est un tombeau. La jeunesse passe et les paradis sont provisoires. Mais si on veut bien l’admettre, et qu’on dompte notre mélancolie au lieu de la laisser tout emporter, on peut voir que le paysage est toujours neuf, prêt à être habité ou traversé, comme celui du vaste méandre de l’Aulne armoricaine qui s’offre à Ion et par lequel le film se clôt… mais ne se finit pas. Puisque toujours il y a une suite.

BIOGRAPHIE

PASCALE BRETON

Pascale Breton Rene Tanguy KuB

Née à Morlaix, Pascale Breton grandit entre le Finistère et l’Algérie. Cinéphile dès l’enfance, elle étudie les lettres et la géographie, à Rennes puis à Paris. Elle travaille dans la mode, à la radio (Nova), écrit des articles, traduit de l’anglais et est déjà scénariste. Elle réalise son premier film en 1995, un moyen-métrage qui remporte un prix à Angers et le Grand Prix à Clermont-Ferrand. Suivront un court et deux moyens métrages. Elle quitte Paris en 1999 pour Port-Louis (Morbihan) où elle réalise en 2003 son premier long-métrage, Illumination. Produit par Paulo Branco, il est distingué aux festivals de Turin, Rotterdam et San Francisco. Suite Armoricaine est son deuxième long métrage comme réalisatrice. En compétition internationale au Festival de Locarno (2015), il remporte le Prix FIPRESCI.


FILMOGRAPHIE

La Huitième Nuit, avec Arnold Barkus (37’, Gloria Films) Angers : Prix du Meilleur Scénario Clermont-Ferrand : Prix de la Meilleure Première Œuvre et Grand Prix


La Réserve, avec Vincent Branchet (35’, Fidélité Productions)


Les Filles du douze, avec Mélanie Le Ray (27’, CLP/Paris-Brest/A Giorno) Festival de Brest : Grand Prix – nomination César du Meilleur Court Métrage


La Chambre des parents (30’, Les Films du Poisson, dans le cadre de Jeunes Talents Cannes de l’ADAMI) Festival de Brest : Grand Prix ex-aequo


Illumination, avec Klet Beyer (133’, Gemini Films) Turin : Mention pour le scénario -Rotterdam : Prix KNF – San Francisco : Nomination pour le meilleur premier long métrage – Santiago du Chili : Best Director’s Award


Château Rose, avec Marie Fortuit (59’, Les Chantiers Nomades/Zadig Films)


Suite Armoricaine, avec Valérie Dréville et Kaou Langoët (Zadig Films) Locarno : Compétition internationale Prix FIPRESCI 2015 – Festival International de Cinéma d'Uruguay : Prix du meilleur film international 2016 – New York : Festival New Directors/New Films 2016 – San Francisco : International Film Festival 2016 – Séville : Compétition internationale 2015 – Brésil : Indie World Film Festival 2016 – Cork : Cork Film Festival 2016 – Rotterdam : International Film Festival 2016

ENTRETIEN AVEC VALÉRIE DRÉVILLE

Suite Armoricaine questionne le rapport à un monde en voie de disparition

mains au ciel suite armoricaine pascale breton cover

Elle est Françoise, l’héroïne de Suite Armoricaine et double de la cinéaste Pascale Breton. Elève d’Antoine Vitez à l’École de Chaillot puis de Claude Régy au Conservatoire National, Valérie Dréville est révélée aux cinéphiles par son rôle d’infirmière personnelle de Jean-Luc Godard dans Prénom Carmen (1983). En 1989, elle entre à la Comédie-Française où elle rencontre Anatoli Vassiliev. Conquise par la méthode issue de Stanislavski, elle s’installe à Moscou pour suivre son enseignement, puis travaille avec les plus notables metteurs en scène européens, parmi lesquels Kristian Lupa, Thomas Ostermeier, Luc Bondy, Romeo Castellucci… et Vassiliev avec qui elle réinvente Médée (Médée-Matériau, 2005). Elle n’en continue pas moins sa carrière au cinéma, avec La Sentinelle d’Arnaud Desplechin (1992), La Question humaine de Nicolas Klotz (2007), De bon matin de Jean-Marc Moutout (2011).

Qu’est-ce qui vous a séduite dans le projet de Suite Armoricaine ?

Le thème, lui-même, qui m’a troublée par une coïncidence extraordinaire. Car, au moment où Pascale m’a proposée de lire son scénario, j’étais en train de travailler sur Les Revenants d’Ibsen sous la direction de Thomas Ostermeier et j’y ai trouvé beaucoup de correspondances. Il y avait une espèce de cercle concentrique très troublant qui charriait cette question de la mémoire, du retour en arrière mais qui n’en est pas forcément un.

Cette Bretagne, tellurique, magique, est-ce quelque chose que vous connaissiez ?

Mal, parce qu’on ne peut pas y accéder comme ça, surtout pas en touriste. J’ai fait beaucoup de recherches, j’ai parlé avec des gens sur le tournage. Suite Armoricaine questionne d’une façon très subtile le rapport à un monde en voie de disparition que l’on peut continuer de percevoir dans des interstices, des chemins de traverses. Car ce monde existe encore.


Avez-vous dû puiser dans le souvenir que vous avez de vous petite-fille, avec vos propres sensations, votre approche du monde des adultes, pour construire votre personnage ?

Bien sûr, mais de toutes façons, le fait d’être une actrice entraîne peu ou prou toujours ce processus de retour en arrière mais pas spécialement lorsqu’on est confrontée sur un plateau au monde de l’enfance. Jouer c’est toujours revenir vers une origine, ce qui ne signifie surtout pas revenir en arrière d’une façon régressive.

A propos de Françoise, votre personnage, Pascale Breton dit qu’il est devenu très vite « un terrain commun entre elle et vous »…

Je l’ai senti immédiatement, et ce, la première fois que nous nous sommes vues. Je ne pourrais pas dire de quoi il est constitué, mais pour moi, c’est très clair. Je dirais plutôt un terrain commun entre Pascale, Françoise mon personnage, et moi-même. Et pourtant je sais que ce n’est pas autobiographique mais il y a, comme une évidence, ce jeu de miroirs entre nous trois. Et j’ajouterais aussi avec la petite fille qui joue mon rôle enfant. Le film instaure une circulation de doubles, comme lorsqu’on se regarde dans un miroir qui donne sur un autre miroir et qu’on voit plusieurs reflets de soi. Le rapport de l’acteur à son personnage, c’est le rapport à l’autre. Être un autre qui existe.

Pascale Breton a vécu les années très punk, très rock, de Rennes, alors en pleine effervescence musicale qui apparaissent en filigrane dans le film. Un univers éloigné de votre propre jeunesse. Comment travaille-t-on avec ces éléments ?

C’était effectivement un univers qui m’était très étranger. Mais je dirais que c’était un avantage. J’adore m’approcher de quelque chose que je ne connais pas. C’est même nécessaire lorsqu’on est comédien, cette tension entre la distance et la proximité. Maintenant je vois la Bretagne tout à fait autrement…

Le retour au pays natal pour Françoise, c’est un peu l’apprentissage du chaos…

Oui, tout à fait. Mon personnage se heurte à un monde qu’elle avait laissé autrefois dans une certaine effervescence heureuse de la jeunesse. Elle doit désormais affronter les fantômes du passé dont certains provoquent bien des questionnements en elle. Mon personnage se fait une nouvelle peau en se dépouillant de quelque chose. Elle intériorise. Mais ce n’est pas sans douleur. Elle plonge. Elle y va. Elle ne sait ce qu’elle va trouver. Elle retourne vers son pays, mais ce n’est plus le sien. C’est quoi au juste ? Elle avance, en remontant dans le temps et dans un nulle part chaotique où elle trouve la brèche.

Vous êtes plutôt une comédienne de théâtre. Quelles sont les grandes différences d’approche entre un plateau de tournage et la scène ?

Le cinéma, en tout cas dans ce qu’il m’apparaît chez Pascale, c’est un rythme qui accompagne la vie. Un tournage comme celui-ci, où les amateurs jouent un grand rôle, m’oblige à faire abstraction d’une certaine technique, ce qui m’aide beaucoup en retour pour le théâtre. Je ne dirais pas que l’inverse soit vrai.

RESSOURCES

Page facebook du distributeur

Page facebook du film avec une revue de presse complète et l’annonce des projection à venir

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    Valérie Dréville Françoise
    Kaou Langoët Ion
    Elina Löwensohn Moon
    Manon Evenat Lydie
    Laurent Sauvage John

    Peter Bonke Sven
    Catherine Riaux la Grande Catherine
    Klet Beyer Gweltaz
    Yvon Raude Stéphane
    Image Tom Harari
    Son Paulin Sagna
    Assistant mise en scène Camille Lotteau

    Montage Gilles Volta, Joseph Guinvarc’h Camille Lotteau
    Mixage Hervé Buirette
    Étalonnage Isabelle Laclau
    Musique originale composée et interprétée par Éric Duchamp,
    enregistrée et mixée par Miguel Constantino au Studio Brut (Spézet).
    Le morceau Black Whale est chanté par Laurent Sauvage.

    Artistes cités sur cette page

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