Comăneci pour mémoire

nadia comaneci reception gym - Memories of crossing

Avec Memories of crossing, Alberto Segre s’appuie sur un fait divers historique pour construire un parallèle entre deux temps de la vie d’une femme. Cette femme, c’est Nadia Comăneci, gymnaste roumaine du temps de la dictature Ceaucescu, championne hors norme connue dans le monde entier après son couronnement aux JO de Montréal en 1976.
Le récit au présent de Memories of crossing, c’est celui de la fuite hors de son pays en 1989, au moment où le rideau de fer commence à se déchirer. Le passé, c’est celui de son enfance, quand à l’âge de 13 ans, sous la férule d’un impitoyable entraîneur, elle se hisse à un niveau sportif jamais atteint. Passage de frontière déjà.
La représentation que Segre tire de cette histoire qui résonne avec celle de son propre père, est marquée du sceau de l’authenticité sans tomber dans les travers d’un biopic hagiographique. Son héroïne est reconnaissable sans réclamer l’admiration du public. Elle est simplement humaine et c'est tant mieux.

FILM

MEMORIES OF CROSSING

d’Alberto Segre (2021 - 21’)

Novembre 1989. Célèbre gymnaste, Diana Dumitrescu fuit la dictature roumaine lorsqu'elle est arrêtée à la frontière hongroise avec d'autres fugitifs. Depuis toute petite, elle a été entraînée pour surmonter les épreuves les plus dures, réussir les figures les plus périlleuses. Dans cette ultime compétition pour sa survie, elle sait qu’il n’y aura qu’un seul gagnant.

>>> un film produit par Thomas Guentch de Blue Hour Films

INTENTION

Instinct de survie

Face a face militaire et roumaine - Memories of crossing

par Alberto Segre

Un jour, je déjeunais avec mes parents lorsque, de manière inattendue, mon père nous fit pour la première fois part des conditions rocambolesques de sa fuite de l'Italie vers la Suisse en 1942. Avec ses parents, juifs italiens, ils étaient cachés dans la petite ville de Lecco, à quelques kilomètres de la frontière, et attendaient le feu vert des passeurs. Au bout de douze jours, le signal arriva enfin et avec le peu de bagages qu’ils avaient pu emporter, ils se cachèrent à l’arrière d’une camionnette et partirent au cœur de la nuit. À deux kilomètres de la frontière suisse, ils furent arrêtés à un barrage. Un soldat allemand ordonna à un fasciste italien d’inspecter le véhicule et celui-ci s’exécuta. Il vit alors mon père, âgé de 9 ans, assis à côté de ses parents, terrorisés. Le fasciste sortit de la camionnette et, sous le regard de l’Allemand, fit signe au chauffeur de repartir en expliquant que tout était en ordre.


À quoi tient une vie ? Un geste, un sursaut d’humanité, un regard. Être dans la bonne file, au bon moment. Parfois juste un détail et nous restons du mauvais côté de la frontière. Ce moment de la vie de mon père revient régulièrement dans mon imagination mais, avec le temps, j’arrive à l’appréhender de manière plus rationnelle. Mon père a survécu, et à la fin de la guerre il a pu retourner en Italie. Mais son exil forcé a profondément affecté sa vie et influencé la mienne. Progressivement, je me suis retrouvé face au désir fondateur de mon envie de cinéma : la construction identitaire dans l’exil. En 1989, Nadia Comăneci fuit la dictature roumaine vers la Hongrie, qui venait d’ouvrir ses frontières aux Allemands de l’est, contribuant largement à la chute du mur de Berlin. Fuir son pays pour sauver sa vie, cela résonne dramatiquement avec l'actualité. En 2019, trente ans après, la Hongrie a érigé des clôtures anti-migrants le long de ses frontières, y compris avec la Roumanie.
Analyser une période historique et la mettre en relation avec d’autres époques est l'une de mes motivations les plus profondes. Memories of crossing est ainsi née de l’envie d’aller plus loin encore dans cette recherche et de me confronter directement à l’instinct de survie de la protagoniste. De questionner les sentiments d’une championne dont le passé sportif l’aide à franchir la frontière, alors que ses camarades de fuite n’auront pas ce privilège. Diana choisit l’exil, comme la plupart de ceux qui fuient pour survivre. Pourtant, se battre pour obtenir une nouvelle nationalité, une nouvelle vie, a aussi des conséquences qui relèvent du bouleversement identitaire.
En écrivant Memories of crossing, j’ai été poussé par la volonté d'ancrer le film dans ce personnage au destin hors du commun. Le film n'a aucune ambition biographique. Dans ce cadre historique posé, je raconte ce que j'imagine de la fuite de Nadia Comăneci. Je souhaitais par ailleurs que le film soit tourné en partie en Roumanie pour retrouver dans les paysages, dans les décors ou dans les visages une partie de ces époques révolues ; qu’il prenne forme au plus près des hommes et des femmes qui ont vécu dans le village d’Onesti, le village de Nadia, dans le nord du pays, à la frontière avec la Hongrie.
Diana est une femme ordinaire qui a vécu une vie extraordinaire. C’est une jeune femme aux prises avec un destin qui la dépasse. Elle est poussée par une détermination à toute épreuve, fruit d’une vie difficile où elle a appris à ne jamais rien lâcher. Son parcours nous interroge également sur la notion d’injustice. L’injustice subie par ceux qui ne peuvent pas être choisis, migrants d’hier et d’aujourd’hui, et dont la vie vaut finalement moins que d’autres. Hommes et femmes qui n’ont rien à offrir pour acheter le rêve d’une vie meilleure, ni de l’argent, ni un talent à marchander.

BIOGRAPHIES

Alberto Segre

Alberto Segre

Alberto Segre est un scénariste et réalisateur d’origine italienne. Il naît et grandit à Turin, où il suit des études de sociologie avant de compléter sa formation à Cambridge et Paris. Il commence par travailler dans la publicité, comme producteur de clips et de sites web à la fin des années 1990. Il fait ses premiers pas dans le cinéma en 1999 comme conseiller cinéma en Région Aquitaine, au pôle d’aide au tournage de la Région. Beaucoup de dossiers de demandes d’aide, mais aussi des partenariats à monter, des lectures de scénarii, et la découverte de quelques talents. Il a depuis écrit et réalisé sept courts métrages, des fictions et des documentaires tels qu’Une rencontre fortuite, Zacharie ya no vive aqui, Le Chien perdu de François Mitterrand ou encore L’Incontro Privato. Il travaille actuellement au développement de deux projets de longs métrages : Marathon et Les Collines d'Hébron, ainsi qu'un court métrage d'animation, La Question, coréalisé avec l'artiste Marion Sellenet.

Nadia Comăneci

Nadia Comăneci est une gymnaste roumaine, née à Onesti en 1961. Elle est considérée comme l’une des meilleures gymnastes du monde, et elle est la première à obtenir la note maximale de dix pendant une épreuve olympique, à Montréal en 1976. Elle n’a alors que quatorze ans. Elle prend sa retraite sportive en 1981, et devient membre du Comité international olympique en 1984. La même année, elle commence à travailler pour la Fédération roumaine de gymnastique où elle est chargée d’entraîner les jeunes. Outil de propagande pour le régime de Ceausescu, elle tente cependant à plusieurs reprises de fuir le pays, notamment lors des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984. Elle n’y parvient qu’en novembre 1989, un mois avant la révolution. Elle passe ainsi la frontière hongroise à pied, pour arriver en Autriche et finalement s’exiler aux États-Unis, dont elle obtient la citoyenneté en 2001.
Elle est aujourd’hui présidente honoraire de la Fédération roumaine de gymnastique, présidente honoraire du Comité olympique roumain et ambassadrice des sports. Elle est également régulièrement invitée en tant que consultante sportive à la télévision et a ouvert un centre sportif pour enfants à Bucarest, en 2012.
De nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques lui sont consacrées, tels que Nadia de Alan Cooke, le documentaire Nadia Comăneci : la gymnaste et le dictateur de Pola Rapaport, ou encore le roman de Lola Lafon La petite communiste qui ne souriait jamais.

REVUE DU WEB

La petite fée de Montréal

YOUTUBE >>> Extraits de la performance de Nadia Comăneci aux JO de Montréal en 1976.

FRANCE INTER >>> Affaires sensibles revient sur l’histoire de la gymnaste roumaine Nadia Comăneci, de son enfance à la gloire, et, finalement, l’exil.

LE MONDE >>> À l’occasion de sa venue en France pour Roland-Garros, la championne olympique Nadia Comăneci s’entretient avec des journalistes du Monde.

RADIO FRANCE >>> Le dictateur Nicolae Ceausescu fut à la tête de la Roumanie pendant presque 25 ans, de 1965 à 1989, où il est exécuté avec sa femme. Retour sur son parcours, et la Roumanie communiste.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    avec Judith State, Madalina Margareta Pavel, Edith Alibec, Istvan Teglas, Valeriu Andriuta, Gabriel Spahiu, Zsolt Bara, Alexandru Bumbes

    réalisation Alberto Segre
    scripte Mihnea Vonica
    image Adrian Pădurețu, Alin Tudor, Razvan Rosca
    son Ionut Geadau, George Geadau

    montage Noémie Fy, Corentin Doucet
    montage son et mixage Corinne Gigon
    étalonnage Pierre Bouchon
    musique Maninkari - Frédéric et Olivier Charlot, Oliver Coates

    coproduction Blue Hours Films et Rova Films
    avec la participation du CNC, de la Région Bretagne et de la Procirep-Angoa
    avec le soutien de TVR, Tébéo et Tébésud

    Artistes cités sur cette page

    Alberto Segre

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    Nadia Comăneci

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