Féminités

3 femmes fixent la caméra - Je m'en vêts

Enrubannés de tissus colorés des femmes nous regardent. Notre expérience de regardeur est questionnée. À quel moment notre œil délaisse-t-il le chatoiement des textures textiles pour croiser le regard de l'une ou de l'autre ? Et d'un coup la perspective qui change, quand l'habit passe au second plan et que le regard nous happe et nous projette dans l'énigme que recèle chacune d'elles.

Voilées, dévoilées, pudiques ou altières, elles soutiennent notre regard, nous renvoyant à notre considération pour elles, incarnations de la féminité.

FILM

JE M'EN VÊTS

de C. Borne et T. Salvert (2021 - 8')

Une quarantaine de femmes et d’enfants de centres sociaux de la ville de Lorient se livrent à une lumineuse danse de visages. Parés de tissus multicolores, jouant tour à tour de l’apparition, de la disparition, leur être se révèle dans la profondeur des regards.

INTENTION

L'épopée des femmes

triptyque foulard tête - je m'en vêts

par Éric Prémel

Dans ce puzzle de couleurs aux mille nuances, c’est la lumière des êtres qui nous frappe, la lumière intérieure des visages. Si tel portrait peut faire penser aux primitifs flamands, à La jeune fille à la perle de Johannes Vermeer, portrait d’Hendrickje Stoffels par Rembrandt, si tel autre peut évoquer les italiens baroques, La Sibylle de Cumes du napolitain Domenico, par exemple, c’est aussi Frida Kahlo que l’on croise dans certaines postures, dans des fiertés surgissantes et dans l’affirmation de soi.

Je m’en vêts est un projet artistique porté par les artistes Cécile Borne, plasticienne et chorégraphe, et Thierry Salvert, vidéaste, avec la participation de femmes et d’enfants du Pays de Lorient. Cette aventure, située dans le champ de la transformation sociale sur le territoire lorientais, s’inscrit dans un projet plus large, collaboratif et coopératif, intitulé La place des femmes. Les actions qui en découlent visent à réinterroger, combattre, déconstruire, modifier, transformer en permanence une organisation sociétale qui de tout temps assigne les citoyennes et citoyens à jouer des rôles sociaux déterminés. Le travail porte sur le bien-être et l’estime de soi, la garde solidaire d’enfants, l'emploi et l’insertion professionnelle, la sensibilisation aux violences sexistes.
Durant l'année 2020-2021 des groupes se sont constitués autour des artistes pour explorer, à partir du vêtement, les questions de l'image de soi et celles du regard de l'autre. L'aboutissement de ce cycle de rencontres est devenu exposition, sous la forme d’une installation vidéo et photographique à la fois ludique, plastique et théâtrale, mettant en scène une symphonie de portraits solaires.


S’il fallait parler de la beauté humaine, nous pourrions très bien commencer par cette assemblée de visages, de bustes, de postures et de regards. En vérité ces portraits ne sont pas mis-en-scène, ils sont purement et simplement mis-en-vie. Car il s’agit moins de métamorphose que de révélation, moins de transfiguration que de réappropriation de soi, pour être en état de libération absolue. Amazones de Lorient et de partout, sorties de la clandestinité et de l’invisibilité, décidées à dévoiler ce qu’elles sont au plus profond d’elles, ce sont nos sœurs, nos voisines, nos cousines, nos mères, nos filles qui surgissent, comme de nouvelles sentinelles, qui nous adressent leurs regards comme on adresse la parole : des regards dressés, droits, profonds, les yeux vastes comme des phares tendres ou doux, graves ou inquisiteurs, qui en disent long, posés sur de véritables visages-paysages, affirmés, habités, sans entraves, en route pour.

Habillées de soie, de velours, de lins, de cotons, de foulards, de perles, parées de douceurs, de gravités, de fiertés, les femmes qui nous regardent sont les femmes arc-en-ciel du monde entier : du Piémont, du Nord finlandais, des sommets malgaches, des bords de l’Oural, des rives du Fleuve Jaune, des Iles Atlantiques, d’Andalousie, de Dublin, de temps anciens ou du futur. Elles ne nous toisent pas, ne nous ignorent pas, ne nous jugent pas, ni ne nous moquent ou nous évitent, non, elles nous disent juste ce qu’en vérité elles sont.

DISPOSITIF

Collectage de traces

portraits enfants - je m'en vêts

Coordonné par la direction culturelle de la ville de Lorient, le projet s’est construit en partenariat avec l’Escale Brizeux, la Maison pour tous de Kervenanec, le Centre communal d’action sociale, le Centre social Albert Jacquard de Lanester et la Galerie du Faouëdic.
Cécile Borne mène depuis de nombreuses années un travail de création à partir de tissus ou plus récemment de déchets plastiques échoués, fragments de mémoire issus du rebut du monde, abandonnés dans le sable. À travers ce collectage de traces, elle laisse ressurgir les sensations, interroge les lignes, les accidents, recolle les morceaux. Ces reliques se remettent alors à vivre...


LA MÉTHODE ET LE FIL DU PROJET

Travailler autour du vêtement a été le cœur de la démarche artistique. C’est un médium chargé de sens qui questionne le corps, la représentation, le féminin/masculin, l’image de soi, l’apparence, et qui dit beaucoup sur qui on est, à quoi nous sommes assignés, de quoi nous devons nous libérer.

Les ateliers proposés par Cécile Borne et Thierry Salvert, auxquels ont participé 39 femmes et enfants, ont eu lieu entre octobre 2020 et février 2021 : À chaque séance, nous avons pratiqué un travail corporel : constitution du groupe, écoute de l’autre, confiance en soi, acceptation du regard de l’autre, mise en disponibilité corporelle. Puis nous avons joué avec le stock de vêtements dans une approche à la fois plastique et théâtrale : s’amuser autour de la métamorphose, se déguiser, se découvrir, se cacher, se parer, se mouvoir, se regarder… Puis venait le temps de la prise de vue, faire face aux autres, faire face à la caméra, être là. Nous nous sommes interrogés sur l’image que l’on renvoie en fonction du vêtement. Nous avons posé des mots sur nos sensations, sur ce que ces expériences nous suggèrent. Nous avons pris le temps de laisser émerger la parole.

BIOGRAPHIES

Cécile Borne

Cécile qui sourit - Indigènes du 7 ème continent

Accueillie une première fois à la galerie du Faouëdic de Lorient en 2019 pour une exposition intitulée Archéologie de l’abandon, elle est à nouveau invitée en 2020 par la Direction de la culture de la Ville de Lorient pour mener un nouveau projet avec la collaboration de femmes et d’enfants du Pays de Lorient : projet devenu aventure humaine et artistique, politique et poétique, dont l’exposition-installation est l’une des conséquences.

Elle a été accompagnée ici par Thierry Salvert, vidéaste, avec qui elle collabore depuis de nombreuses années.

Thierry Salvert

Projection sur Salvert Thierry

Formé aux Beaux-arts de Quimper, Thierry Salvert s'intéresse très vite à la danse et donne à voir le visible dans une épaisseur mystérieuse. Auteur, réalisateur et technicien toujours en recherche, sollicité sur de nombreuses créations artistiques vidéo-cinégraphiques (clips, formats courts de fiction, images expérimentales, performances visuelles, interaction musique-image, documentaires), il signe avec Cécile Borne de nombreux films à la frontière de la vidéo-art, de la fiction et du documentaire.

REVUE DU WEB

L'art du portrait

FRANCE BLEU >>> Un événement pour mobiliser petits et grands et mettre en lumière les femmes qui font bouger leur quartier.

OUEST FRANCE >>> Être capable de prendre sa place, apparaître, disparaître, se détourner, faire face. Côte à côte, le plasticien et vidéaste Thierry Salvert et la chorégraphe et plasticienne Cécile Borne restituent l’esprit du projet commun Je m‘en vêts.

THE ART CYCLE >>> L’art du portrait est un genre constamment en évolution et auquel il est impossible de trouver une seule définition. Finalement, ce qu’on détache surtout dans chaque portrait, c’est l’attention donnée au modèle et ce qu’il veut transmettre.

COMMENTAIRES

    Artistes cités sur cette page

    Cécile Borne KuB

    Cécile Borne

    Thierry Salvert - purée dure - expérimental

    Thierry Salvert

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