La recherche du pays perdu

main de Morvandiau dessinant

En 2007 sort D’Algérie, une bédé qui raconte l’histoire de Pieds-noirs, du point de vue de la génération née après le rapatriement, celle de Morvandiau. Le jeune auteur se lance à la découverte de l’histoire de ses grands-parents et mesure son ignorance. Il lui faudra se documenter et restituer l’Histoire de la colonisation, la passer sous sa plume pour la faire sienne et la partager. C’est là qu’intervient le producteur de films Jean-François Le Corre , en proposant à la documentariste Nathalie Marcault de filmer le voyage intérieur de Morvandiau.

Alors que paraît une version mise à jour de D’Algérie, nous vous proposons le film Algéries intimes (2008) et un reportage que nous venons de réaliser dans l’atelier du dessinateur.

Une page en partenariat avec Vivement Lundi !

RENCONTRE

D'Algérie, V2

Morvandiau nous relate l'émergence du projet D'Algérie en 2007, au moment de la première publication, puis ce qui a motivé sa réédition à venir en 2020. Il aborde les faits qui se sont produits entre temps : les attentats de Charlie Hebdo, le printemps algérien et les mouvements sociaux en France et la répression policière.

ALGÉRIES INTIMES

de Nathalie Marcault (2008)

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

Morvandiau a 13 ans lorsque ses parents offrent un voyage en Algérie à toute la famille, à l’occasion de leur 25e anniversaire de mariage ; c’est pour lui l’occasion de découvrir le pays où est né et a grandi son père. Il a 20 ans à la mort de son oncle maternel, Jean, père blanc assassiné en 1994 à Tizi-Ouzou. Cet évènement tragique et le questionnement de cette ascendance pied-noir sont le point de départ de D’Algérie. Entre les pages retraçant l’Histoire, de la colonisation à la guerre d’indépendance, l’auteur questionne une histoire familiale. Par ces deux niveaux d’évocation, il interroge les rapports entre la France et l’Algérie.
Le temps d’un voyage vers le sud de la France, en replongeant avec Morvandiau dans ses archives familiales et dans l’abondante documentation collectée pour la réalisation de l’album, le film évoque le rapport d’un auteur à son héritage et à sa filiation.

>>> un film produit par Jean-François Le Corre, Vivement lundi !

INTENTION

Chronique d'une quête

Morvandiau présente la BD aux enfants

par Nathalie Marcault

Je suis touchée par les œuvres personnelles nées de la nécessité qui, en s’incarnant dans une forme esthétique, donnent à une histoire particulière une dimension universelle. Elles inaugurent souvent une nouvelle période dans la production d’un créateur. C’est le cas de D’Algérie qui recoupe des considérations personnelles, politiques, artistiques, et marque une rupture dans la bibliographie de Morvandiau.

Plus que l’aspect purement historique, c’est la dimension personnelle qui m’a intéressée. Quand Morvandiau remonte sa généalogie, quand il interroge la culture de ses proches, leurs convictions et leurs divergences, quand il replace ce vécu dans une perspective historique, il va à la rencontre de lui-même, cherchant à se réapproprier son héritage. Chacun d’entre nous pourrait relire son histoire familiale à la lumière des grands événements qui l’ont traversée et percevoir ainsi comment telle guerre, telle décision politique, tel contexte idéologique ou tel environnement social l’ont marquée.


J’ai voulu refaire le chemin qui a conduit Morvandiau vers lui-même. Pied-noir ? C’est de cette notion, de ce mystère originel que j’ai eu envie de repartir. Le film se propose de mettre en scène la quête identitaire du dessinateur en l’inscrivant dans un voyage réel. J’ai imaginé de l’emmener à Marseille, point de départ vers l’Algérie. Le voyage a été l’élément structurant du film. Tout au long du parcours, j’ai interrogé Morvandiau sur la façon dont l’histoire pied-noir de sa famille lui a été léguée. J’ai sondé ses fantasmes et ses souvenirs pour montrer comment le mythe a pris corps et comment le dessinateur se l’est réapproprié. Je l’ai confronté à sa démarche sur les lieux de son histoire familiale. Chemin faisant, nous avons revisité une partie du matériau iconographique - photos, lettres, documents civils et militaires - qu’il a utilisé pour construire son récit.

J’ai voulu qu’une histoire se révèle et, qu’à travers elle, émerge la question identitaire. En quoi Morvandiau est-il l’héritier de trois générations de pieds-noirs ? Quelle relation intime entretient-il avec le pays où son père est né ? Le film se veut la chronique sensible de cette quête.

BIOGRAPHIE

Nathalie Marcault

portrait réalisatrice Nathalie Marcault

Après une première vie de journaliste (presse écrite et télévision), Nathalie Marcault découvre le cinéma documentaire à la faveur d’un stage aux Ateliers Varan en 2001. Elle en sort mordue. Elle se jette dans la réalisation d’une première aventure au long cours (2 x 52' sur un collège expérimental), puis s’attèle à un documentaire familial (À la gauche du père, Étoile de la Scam 2010). Chemin faisant, elle rejoint l’Association des Réalisateurs en Bretagne (co-présidente pendant deux ans), et intervient en Arts du spectacle à l’Université de Rennes, puis devient lectrice pour plusieurs fonds d’aide et accompagne des auteurs dans l’écriture de leurs projets de films documentaires.

Nathalie Marcault a réalisé une dizaine de films. Elle tourne actuellement un long métrage documentaire pour le cinéma et un documentaire pour la télévision.

BIOGRAPHIE

Morvandiau

portrait Morvandiau

Né en 1974, Morvandiau est dessinateur de presse et auteur de bande dessinée. Il se forme au contact de son frère aîné Tanitoc, lui-même auteur, puis sur le tas durant les années 90 en publiant conjointement dans le milieu du fanzine, de l’édition alternative de bande dessinée et de la presse nationale culturelle et politique (Les Inrockuptibles, Rock & Folk, Bakchich, Marianne...) et de création (L'œil électrique, Ferraille, Jade, Ego Comme X, Lapin, Le Tigre, MLQ...). Il travaille toujours en noir et blanc, le plus souvent sans décor, sa ligne est simple et dynamique, ses personnages sont brossés rapidement, leurs traits sont accentués à la façon des dessins d’enfant. Avec D’Algérie en 2007 Morvandiau a rompu avec son style habituel pour se lancer dans une enquête sur ses origines pied-noir.



Quand il a choisi ce pseudonyme, Morvandiau ne savait pas qu’on nommait ainsi les habitants du Morvan. Il faisait référence au peu orthodoxe inspecteur de police Morvandiau joué par Bernard Blier dans Buffet froid, un de ses films préférés. La parenté ne s’arrête pas au nom. L’humour froid et grinçant du film répond à celui que développe le dessinateur dans ses ouvrages, empruntant les chemins de traverse de la BD dite indépendante et alternative.

Autodidacte du dessin, sans formation universitaire, Morvandiau a fait ses gammes dans des associations. Dans ses ouvrages comme Morvandiau cherche comment arrêter de mourir, Morvandiau range sa chambre, Mémoires d’un commercial ou Le Cid, version 6.0, il laisse libre cours à une satire sociale qui n’aurait pas défiguré les bonnes pages de Hara Kiri, maniant l’absurde et le grotesque, il nous fait partager la vie minable d’un commercial alcoolique, ou revisite un classique à l’usage de la génération internet. Il crée le fanzine d’humour et de poésie Kalemia sur le Tanganyika en 1993

Cofondateur, à Rennes, des manifestations successives Périscopages (2001-2011) et Spéléographies, biennale des écritures (depuis 2014), Morvandiau exerce également des activités de journaliste, de conseiller éditorial (Le Monde Diplomatique en bande dessinée, 2010) et d’enseignant à l’Université Rennes 2. En 2016, il entreprend une recherche dans le cadre d’une thèse en arts intitulée L’art de la contrebande ? Une cartographie de la bande dessinée alternative francophone (1990-2015).

Il s'apprête à publier la nouvelle édition augmentée de D'Algérie (aux éditions Le-Monte-en-l’air, 2020), et le nouvel album Le taureau par les cornes (éditions L'Association, 2020).

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    réalisation Nathalie Marcault
    son Éric Bouillon, Corinne Gigon
    montage Bruno Le Roux
    étalonnage Marcello Cilurzo
    mixage Henry Puizillout

    production Vivement Lundi ! et TVR

    avec la participation de la Région Bretagne et du CNC

    Artistes cités sur cette page

    portrait Morvandiau

    Morvandiau

    portrait réalisatrice Nathalie Marcault

    Nathalie Marcault

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