Louise en hiver

aquarelle portrait chien et Louise en hiver réalisation Jean-Francois Laguionie

Fin 2016, une frêle silhouette est apparue sur les écrans de cinéma, celle de Louise qui se prépare pour l’hiver. Le film d’un grand bonhomme du cinéma d’animation, Jean-François Laguionie, produit en Bretagne, où il vit. C’est l’histoire d’une vieille dame qui passe un hiver dans une station de bord de mer totalement déserte.

Le cinéaste revient dans l'actualité avec son nouveau film Le voyage du Prince au festival d'Annecy 2019.

LOUISE EN HIVER

un film de Jean-François Laguionie (2016)

Que s’est-il passé ? Le dernier jour de l’été, Louise s’aperçoit que le dernier train est parti sans elle. Elle se retrouve seule dans une petite station balnéaire aux rues désertes, abandonnée de tous…
Le temps rapidement se dégrade, les grandes marées surviennent. C’est la tempête et les premières nuits sont difficiles. Mais bientôt le beau temps revient pour lui offrir un automne exceptionnel. Louise considère alors son abandon comme une sorte de pari. Elle va se construire une cabane sur le rivage, découvrir à soixante-quinze ans ce qu’est la vie d’un Robinson, et s’apercevoir qu’elle est plus résistante et débrouillarde qu’elle le pensait. Un vieux chien, Pépère, vient partager ses repas et ses parties de pêche. Un vrai compagnon de fortune !

Mais pourquoi les vacanciers ne reviennent-ils pas à Noël ou à Pâques ? Et cet hélicoptère qui survole le rivage de temps à autre ! À cause des grandes marées ? Aurait-elle été punie ? Cette idée provoque en elle des rêves étranges. Ses souvenirs d’enfance remontent à la surface. À huit ans, Louise a été confiée à sa grand-mère… Pourquoi ?


Pour explorer les raisons de ce qu’elle croit être son abandon, Louise a besoin d’explorer sa propre histoire. Elle le fait avec bonne humeur. Elle a perdu la mémoire alors elle mélange tout, mais les personnages du passé surgissent et la soutiennent d’une certaine façon. Comme dans les aventures de survie, Louise est entraînée dans une autre aventure avec elle-même. Si les noms et les visages sont oubliés, les rêves restent, et les petits drames inexplicables. Et les oublis font peut-être aussi sa force. Les tâches quotidiennes, les découvertes, l’amitié de son compagnon d’infortune, l’occupent bien assez pour lui éviter la vieillitude, celle du désintérêt pour l’existence.

Pépère, son faire-valoir, est tout aussi philosophe. Il est son miroir et son confident. Il voudrait répondre à ses questions, mais n’a pas les réponses.

>>> Un film produit par Jean-Pierre Lemouland, JPL FILMS

INTENTION

Hors du temps

cabine téléphonique Louise en hiver réalisation Jean-Francois Laguionie

par Jean-François Laguionie

J’ai aimé reconstituer cette atmosphère d’enfance sauvage. Louise en hiver est sans doute le film le plus intime que j’ai réalisé, le plus précis aussi, malgré l’absurdité de la situation. Les aventures de Louise enfant, en haut des falaises, ou dans ce bois mystérieux de l’après-guerre, je les ai vécues. Ça n’a pas été difficile pour moi de les dessiner. Comme les villas de bord de mer en Normandie où j’ai passé toutes mes vacances, elles n’ont pas changé. Elles représentent encore un type de vacances protégées des misères du reste du monde, des angoisses existentielles comme la vieillesse ou la montée du niveau de la mer.

Pour le personnage, il fallait imaginer une femme correspondant à la fragilité apparente de la petite ville, et se révélant, comme elle, d’une solidité à toute épreuve.


Elle est hors du temps. N’ayant personne avec qui communiquer, d’où la solution du journal de bord, trop séduisante pour ne pas être utilisée. Une façon de comparer le point de vue du personnage avec la réalité supposée de ce qui lui arrive. La rencontre avec Dominique Frot, qui n’avait vu aucun dessin avant l’enregistrement, a été déterminante. Elle a su trouver un autre aspect du caractère du personnage, moins conventionnel et plus sincère, allant au-delà de ce que j’espérais. Les sons et bruits innombrables du rivage, la mer, les oiseaux, ont fait l’objet d’une véritable partition musicale. Ils devaient apporter une crédibilité à la situation d’abandon, la musique de Pierre Kellner au piano formant un contrepoint correspondant à la légèreté et l’optimisme de Louise, la musique orchestrale de Pascal Le Pennec, le compositeur de mon film précédant Le tableau, se chargeant de la partie plus profonde de ses souvenirs et de ses rêves. L’enregistrement de la voix, comme celui de la musique, me sont indispensables pour construire le film sous forme de maquette, très en amont de la réalisation proprement dite du film.


Style Visuel

Le style graphique n’est apparu que peu à peu dans cette étape de développement, même si le dessin des deux personnages étaient assez précis dans mon esprit (opposition entre Louise, encore un peu coquette malgré son corps épais, et son compagnon hirsute). On y retrouve mes goûts pour le graphisme et la peinture du début du 20e siècle, ainsi que pour des peintres du rivage, comme Jean-Francis Auburtin ou Henri Rivière, lesquels brossaient des ambiances particulières, jetées sur le papier, mêlant le lavis et l’aquarelle au crayon de couleur et au pastel, ces outils apportant de la vie dans les paysages de mer et les séquences de vent (qui ne manquent pas !).

Je souhaitais que cette touche de liberté soit réellement présente à l’image, comme si l’ensemble du film était fait à la main. C’est ce qui a été rendu possible grâce à Lionel Chauvin et toute l’équipe de JPL Films.

HISTOIRE

Se laisser aller à la robinsonnade

Jean-Pierre Lemouland

Les circonstances de la vie m’ont amené à croiser Jean-François Laguionie, lui et certains de ses amis et collaborateurs, dont Paul Grimault au tout début des années 1980. Mais je n’avais jamais imaginé qu’il frapperait un jour à la porte de JPL Films pour me faire lire un premier récit de Louise en hiver. L’histoire de Louise est celle d’une vieille dame, resurgie d’une nouvelle écrite par Jean-François il y a quelques années. Mais cette vieille dame s’est entretemps nourrie de l’expérience de l’auteur et enrichie d’un certain nombre d’évènements tirés de sa propre vie.

Le film ainsi est parsemé de subtiles références à ses courts et longs métrages, depuis La Demoiselle et Le Violoncelliste jusqu’au Tableau, réexposant les mêmes thématiques.
Avec Louise en hiver, l’imaginaire de Laguionie se libère de toutes les contraintes pour plonger dans sa propre mer intérieure. Il ne reste plus que Louise, qui résume toutes les femmes depuis La Demoiselle. Elle a décidé d’expérimenter l’hiver et de se laisser aller à la robinsonnade, bientôt rejointe par un vagabond de chien qu’elle finit par appeler Pépère, plutôt que Vendredi. Tous les deux se comprennent à demi-mots, et savent ce que le temps leur réserve : un peu de douceur et de sérénité, au sein d’une nature aquarellée qui frémit de couleurs, de lumière, et de chants d’oiseaux.

BIOGRAPHIE

JEAN-FRANÇOIS LAGUIONIE

Jean-Francois-LAGUIONIE biographie portrait Louise en hiver KuB

Réalisateur et auteur graphique, Jean-François Laguionie est né en 1939 à Besançon. Il se passionne dès l’enfance pour le dessin. Après ses études, il rencontre Paul Grimault (auteur de Le roi et l’oiseau) qui l’initie à l’animation et dont il va partager l’atelier pendant près de dix ans. Là, il va concevoir en artisan solitaire ses courts métrages. Il rencontre d’emblée des succès en festivals, jusqu’à la Palme d’Or du Court Métrage au Festival de Cannes 1979 pour La Traversée de l’Atlantique à la rame

Las de travailler seul, il se lance dans la grande aventure du long métrage avec Gwen, le livre de sable. Cinq ans sont nécessaires à la petite équipe, installée dans une ancienne filature, pour achever le film. Suit la production de collections de films TV et de courts métrages avec l’objectif d’y imposer une certaine qualité. Associé à d’autres studios européens, Laguionie travaille sur plusieurs séries ambitieuses fabriquées en Europe. Mais l’envie d’un nouveau long métrage le taraude. Ce sera Le Château des singes, un film plus ambitieux et grand public que le précédent. Il enchaînera immédiatement avec L’Ile de Black Mor inspiré des écrits de Robert Louis Stevenson et adapté de son propre roman.


Avant Louise en hiver, il a réalisé en 2011 Le Tableau, son premier film en animation numérique et qui a suscité son plus grand succès, un hommage graphique à Chagall, Matisse, Modigliani… et Grimault, à travers l’histoire d’un peintre qui s’en va en omettant de terminer sa toile : certains personnages achevés, d’autres laissés en friche.

JEAN-FRANÇOIS LAGUIONIE – Livre DVD éclaire une œuvre et un parcours de plus de cinquante années ; se mêlent récit biographique, analyse de l’œuvre pas à pas, témoignages de compagnons et croquis, dessins, peintures, recherches graphiques ou encore décors de chacun de ses films.

Bio-filmo complète

DOMINIQUE FROT, la voix de Louise

Dominique FROT portrait Louise en hiver KuB

Louise en Hiver c’est pas un film qui sort, c’est un film qui entre. On dirait un film pour les musées.
Dominique Frot

Comédienne de cinéma, de théâtre et de télévision, metteur en scène de théâtre, Dominique Frot a travaillé sous la direction de nombreux metteurs en scène dont Werner Schroeter, Hubert Colas, Luc Bondy, Thomas Ostermeier, Pascal Rambert, Jean-Claude Fall, Claude Regy ou encore Peter Brook. Au cinéma, elle collabore entre autres avec Claude Miller, Claude Chabrol, Cédric Klapisch, Roland Joffé, Mia Hansen-Løve, Brigitte Sy, Larry Clark. À la télévision, elle interprète le rôle de la proviseur du lycée dans la série humoristique Soda (3 saisons).

REVUE DU WEB

Le délicat miracle

TÉLÉRAMA, Guillemette Odicino >>> Jean-François Laguionie, à l’abordage du Festival d’Annecy 2019 De L’Arche de Noé au Tableau, en passant par Louise en hiver, cette grande figure du cinéma d’animation présente en avant-première du festival son nouveau long métrage, Le Voyage du prince. Il revient sur sa filmographie impressionnante où la mer est un leitmotiv.

SLATE, Jean-Michel Frodon >>> Appelons cela un miracle. Parce que franchement, on ne voit pas très bien pourquoi on se passionnerait pour les tribulations d’une vieille dame qui se retrouve seule sur une plage après la départ des estivants. Avouons de surcroît avoir peu d’inclination pour le cinéma d’animation —plus exactement pour l’animation qui si souvent abusivement se prétend cinéma.

LES INROCKUPTIBLES, Jean-Baptiste Morain >>> Le temps passe et les décors fabuleux de Jean-François Laguionie nous saisissent et nous parlent au-delà de l’histoire – Laguionie, aujourd’hui 77 ans, se forma auprès du grand Paul Grimault (Le Roi et l’Oiseau), au fin fond du XIIe arrondissement de Paris. C’est somptueux (tout est dans la mise en scène), c’est discret, tendre et malicieux, sans tape-à-l’œil.

Le site Catsuka propose une conférence où Laguionie parle du film lors d’une rencontre sur l’écriture du cinéma d’animation à l’Abbaye de Fontevraud, ainsi qu’un extrait du film (différent de la BA).

COMMENTAIRES

  • 19 Mars 2020 07:08 - MARIE PROVOST

    Bonjour, un film d'animation à voir - ici on a apprécié

Artistes cités sur cette page

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Jean-François Laguionie

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