Maman debout

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FILM
VERY BAD MOTHER
de Camille Lancry (2022 - 52’)
La réalisatrice, à bout de sa maternité, sort de son isolement pour lutter contre la culpabilité en rencontrant d’autres mauvaises mères lors d’un festival féministe breton.
>>> un film produit par Aligal Production et Simone et Raymond Production
INTENTIONQU’EST-CE QU’UNE MÈRE ?
par Camille Lancry
En janvier 2021, le Télégramme annonce pour fin juillet à Concarneau un nouveau festival : Very Bad Mother avec, à l’ordre du jour, la maternité comme angle mort du féminisme.
Je sillonne alors le Finistère, à la rencontre des Very Bad, comme elles disent. Les femmes du collectif sont issues d'un mouvement anarcho-punk. Elles ont déjà créé une dizaine de festivals : Clitorik sur la sexualité féminine, Bois mes règles, avec cocktails servis dans des cups menstruelles, Apostasik contre la pédocriminalité dans l’Église. Elle jouent de l’humour, de la solidarité et de la joie pour traiter des sujets difficiles.
Pendant le festival, nos expériences individuelles de la maternité se rejoignent et forment un discours politique : la parentalité est un lieu d'oppression par le système patriarcal. Chez les Very Bad, le mot maternité est exclu, on lui préfère la parentalité car on devient parent, femme ou homme, couple gay, lesbiens ou trans. Les Very Bad proposent de sortir du modèle de la famille mononucléaire patriarcale. Elles défendent des expériences alternatives.
Une nuit du mois d'avril, je rêve que je suis une maman debout et, depuis, ce sentiment ne me lâche plus. Je comprends qu'être mère est un levier pour construire le monde de demain. Être parent est un sujet politique.
À Quimper, je rencontre Laure. Elle me raconte la chance qu'elle a eue d'avoir été entourée des femmes de ce collectif féministe généraliste pour sa première grossesse. Elle s’est émancipée à temps des stéréotypes et des injonctions sociales. On devrait toujours faire des cours de prévention à la parentalité !
Ce film est un cri libérateur. L'univers visuel et sonore pensé par l'organisation du festival utilise la provocation et la dérision. Je n’ai pas voulu lâcher cette énergie et je n’ai pas voulu filmer ces mères ailleurs que dans l'expression festive de leur colère.
Pour les cinquante ans du manifeste des 343 salopes, j'ai voulu raconter l'histoire de mères qui font de leurs peines une lutte collective : l'histoire de femmes qui s'émancipent et inventent leur propre parentalité. Selon moi, il est important de :
- Déconstruire le discours sur le bonheur d'être mère
- Libérer les mères de la charge parentale
- Libérer les mères de leur culpabilité
- Faire un bras d'honneur aux injonctions à être la bonne mère
- Militer pour la prévention à la parentalité
- Désindividualiser nos expériences pour politiser l'oppression des mères
- Reprendre du pouvoir et faire de la parentalité une force
- Montrer que ces femmes, même punks, sont de très bons parents
- Dire qu'on est libre d'être autre chose qu'une mère conventionnelle
BIOGRAPHIECAMILLE LANCRY
Camille Lancry est géographe tropicale de formation. Après avoir enfilé le costume d’Indiana Jones, elle devient journaliste grâce aux cours du CFJ puis intègre l’équipe de l’émission Strip-tease avant de poursuivre sa formation aux Ateliers Varan. L'école lui donne des ailes vers un cinéma engagé.
REVUE DU WEBPOLITISER LA MATERNITÉ
ARTE RADIO 🎧 >>> Le Pouvoir des mères de Charlotte Bienaimé (2020 – 60’). Historiquement, la maternité a toujours fait l’objet de nombreuses dissensions dans le féminisme : là où certaines l’ont dénoncée comme aliénante, d’autres l’ont mise en avant pour plus de droits des mères. Aujourd'hui, comment aller plus loin sans figer la maternité dans une essence féminine, ni exclure les mères des mouvements féministes ? Bref, comment politiser la maternité.
TÉLÉRAMA (2024) 📖 >>> Source d’aliénation pour les militantes des années 1970, le projet maternel peut avoir une dimension politique. Que ce soit un désir, un regret ou un rejet, il questionne les violences faites aux femmes. Plusieurs ouvrages se penchent sur la question.
FRANCE INTER (2023) 🎧 >>> L'instinct maternel : une vaste supercherie, finalement assez récente. Être mère, ce serait instinctif depuis que le monde est monde. Les femmes veulent des enfants, savent s'en occuper et les aiment, sauf que ce n'est pas si simple.
FRANCE CULTURE (2023) 🎧 >>> Cinq ans après #MeToo, la question du corps des femmes et de sa représentation est plus que jamais dans l’actualité. La maternité semble pourtant toujours rester taboue : comment les femmes peuvent-elles se réapproprier leur grossesse ?
LIBÉRATION (2016) 📖 >>> Le regret d’être mère, ultime tabou. Une sociologue est allée à la rencontre de ces femmes qui ont découvert après coup qu’elles n’étaient pas faites pour avoir des enfants. Une parole qui semble inaudible quatre décennies après la révolution féministe. L’enquête fait polémique.
FRANCE INTER (2020) 🎧 >>> Être mère et féministe : vers un nouveau féminisme politique ? Féminisme et maternité : la fin de l’incompatibilité. Dans Le deuxième sexe, l’écrivain et philosophe féministe Simone de Beauvoir expliquait qu’il ne fallait pas aller sur le terrain de la maternité pour défendre les intérêts des femmes, car cela faisait le jeu des hommes. Qu’en est-il aujourd’hui ?
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