Se retrouver

Willy Ronis, Concarneau Finistere, 1956

Pour Willy Ronis, musicien refoulé, l’art photographique est essentiellement plastique et rythmique. Chacun de ses clichés révèle son sens de la composition, qui saisit dans le réel des jeux de textures, profondeurs, répétitions, juxtaposant l’horizontal au vertical, jouant avec les courbes qu’offrent les objets manufacturés et autres architectures.

Par-delà l’esthétique, le sujet de Ronis c’est la chorégraphie des corps humains, par deux, en groupes, en foules, ajoutant aux lignes physiques celles virtuelles des regards qui se portent tantôt vers lui, tantôt vers un ailleurs qu’il faut parfois deviner.

Avec la fête, Ronis explore le mouvement et comment le saisir à l’aide d’une image fixe. Là, c’est le point ultime du déséquilibre qu’il recherche, celui que l’on sait disparu aussitôt que fixé sur la pellicule, l’instant éphémère par opposition au temps suspendu.

Une page KuB en collaboration avec le musée de Pont-Aven et Locus Solus

EXPOSITION

WILLY RONIS À PONT-AVEN

Heurtée de plein fouet par la récente crise sanitaire, la société française a lentement reconquis les espaces de liberté et retrouvé les occasions d’échange et de partage si nécessaires au lien social. C’est ce fil rouge des retrouvailles qui a naturellement conduit le musée de Pont-Aven à organiser une exposition du photographe humaniste Willy Ronis, du 4 février au 28 mai 2023. Celle-ci regroupe une sélection de quelque 120 photographies et documents, qui témoignent du quotidien et des grands événements vécus par la société du XXe siècle, où le besoin de se retrouver était, là aussi, fondamental. Dans le cadre de cette exposition événement, le musée de Pont-Aven et la maison d'édition bretonne Locus Solus publient un livre photographique permettant de poursuivre la découverte de l’œuvre du photographe Willy Ronis : Willy Ronis, se retrouver.

THÉMATIQUES

SE RETROUVER

Dans ces photos de cœur, la frontière est mince voire inexistante entre l’image personnelle et celle issue de reportages. Ses séjours entre copains à la neige, les balades à vélo avec Jacques et Jeanne, les vacances entre amis motocyclistes passionnés de camping sauvage… tous ces clichés illustrent régulièrement des magazines à un moment où le goût du sport et du plein air est érigé en cause nationale dans la société française. Photographe plus humain qu’humaniste, Willy Ronis suit un fil rouge, celui de la confraternité. Il questionne l’homme et son quotidien, le spectaculaire n’est pas de mise et la mélancolie pointe. Le photographe aspire à une unité sociale et familiale où toutes les générations se mêlent dans les conversations, où les amoureux sont seuls au monde et où les enfants admirent les vitrines de Noël des grands magasins parisiens.

LA FÊTE

Ronis aime à saisir la foule, machine à produire des merveilles. Il élabore des micro-récits qui racontent une société fraternelle, confiante et assoiffée de liberté après les affres de la guerre. Par contre, on brosserait à tort un portrait trop joyeux du reporter : la touche qui le distingue des autres photographes de sa génération, c’est cette mélancolie, voire cette solitude, qui teinte certaines de ses images. Les fêtes foraines, tout comme les bals du 14-Juillet, constituent des passages obligés des photographes humanistes, ce qu’on qualifie dans le jargon des journalistes de marronniers. Mais cette atmosphère donne le cafard à Ronis. Il a également le bistrot triste : contrairement à Robert Doisneau qui entame la conversation avec les uns et les autres, Willy reste en retrait quasiment à l’extérieur de la scène.

LA MUSIQUE

L’amour de Willy Ronis pour la musique a germé dès l’enfance, influencé par un père amateur d’opéra et une mère professeure de piano qui enrichit sa culture musicale en l’emmenant écouter des concerts symphoniques. À sept ans, il reçoit un violon et apprend le solfège, avec difficulté. Mais Willy semble doté d’un don : il déchiffre très aisément les partitions et retranscrit ce qu’il écoute dans ses carnets tout en rêvant de devenir compositeur. Une bonne partie de l’année 1932, la composition musicale l’occupe mais la réalité le rattrape : son père malade lui confie la gestion du studio photographique familial, le conduisant à un tout autre destin, celui de reporter-photographe. Néanmoins, sa passion première l’accompagne dans son nouveau métier. Les interviews et les écrits de Willy Ronis révèlent l’étendue d’une culture musicale issue des répertoires classique et jazz. Il décrit fréquemment sa technique photographique à l’aune de sa pratique musicale et, appareil en bandoulière, il saisit des scènes de rue dans lesquelles les musiciens sont mis à l’honneur, avec un profond respect.

BIOGRAPHIE

Willy Ronis

Autoportrait Willy Ronis
Willy Ronis, Autoportrait, Paris, 1947 © Donation Willy Ronis, ministère de la Culture, Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-Grand Palais

Willy Ronis est né à Paris en 1910 dans une famille juive ayant fui les pogroms de l’Europe de l’Est. Bercé par la culture musicale de la famille, il ambitionne de faire de la musique son métier et de devenir violoniste. Mais le destin en décide autrement et, après avoir secondé son père malade au studio familial, il se lance comme photographe indépendant à la mort de ce dernier. Il commence alors les petits reportages photo et les illustrations pour Regards, l’Humanité et Plaisir de France. En 1941, pour échapper aux persécutions, il fuit en zone libre. Il y rencontre sa future femme, Marie-Anne Lansiaux, peintre et communiste engagée. Willy Ronis signifie par ailleurs sa solidarité avec la lutte ouvrière en réalisant de nombreux clichés de rassemblements politiques, et, durant toute sa carrière, il s’appliquera à mettre en lumière les laissés-pour-compte et les liens entre ses frères humains. La fin des années 1940 marque une période de reportages intense pour Willy, qui intègre l’agence Rapho puis publie en 1954 son livre Belleville Ménilmontant. Dans les années 1960 et 1970, le travail devient plus difficile pour Willy Ronis qui doit diversifier ses activités : photo de mode, de publicité, industrielle… Il finit par accepter un poste d’enseignant à Avignon. Mais, en 1979, il obtient le Grand Prix national des Arts et des Lettres, ce qui marque le début de 30 années de valorisation de son travail. Une première monographie, Photographies, sur le fil du hasard, est publié l’année suivante et il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1990. L’exposition qui lui est dédiée en 2005 à l’hôtel de ville de Paris attire plus de 500 000 visiteurs, un triomphe. Il décède à Paris en 2009, à l’âge de 99 ans.

REVUE DU WEB

Photographe humaniste

LE FIGARO >>> Portrait de Willy Ronis, pour sa venue aux Rencontres d’Arles en 2009.

RADIO FRANCE >>> L’écrivain Didier Daeninckx, les photographes Sabine Weiss et Pierre-Jean Amar ainsi que la fondatrice de l’Atelier Doisneau, Francine Deroudille, parlent du travail du photographe humaniste Willy Ronis.

PÉRIPHÉRIE >>> Retranscription de l’entretien de Willy Ronis en 1994 pour le magazine Révolution.

FRANCE CULTURE >>> Deux historiens spécialistes des mouvements sociaux et de l’histoire contemporaine analysent le regard photographique de Willy Ronis et son impact sur la compréhension de l’histoire du Front populaire.

YOUTUBE >>> L'émission C à Vous présente l'exposition Se retrouver, au musée de Pont-Aven.

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    Autoportrait Willy Ronis

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