Larbi Benchiha

Larbi Benchiha

  • réalisateur

Rien, dans mon histoire, ne me prédestinait au cinéma.

Mes ancêtres étaient éleveurs de moutons et nomadisaient, au gré des pâturages, sur les hauts plateaux de l’ouest de algérien. Le déclenchement de la guerre a mit fin à ce mode de vie traditionnel.

La guerre d’Algérie a débuté en 1954 et pour isoler les combattants du FLN, l’armée française rasait au bulldozeur et brulait les mechtas, provoquant ainsi, un exode rural d’envergure. L’idée étant de couper les rebelles du FLN de la population nourricière. Les populations ainsi déplacées ont été parquées dans des camps de regroupement. C’est ainsi que mon père a rompu le lien ancestral d’éleveur, pour devenir ouvrier agricole…

C’est dans l’un de ces camps que j’ai ouverts les yeux et grandi. Sans la guerre d’Algérie, je serais tout naturellement devenu, à mon tour, nomade et éleveur de mouton comme mes aïeux. Mais à cause ou grâce à la guerre j’ai fréquenté l’école et découvert le cinéma. C’est dans le camp que j’ai vu, pour la première de ma vie, une image animée. C’était un film de charlot. Je verrai par la suite beaucoup d’autres films : des Buster Keaton, des Laurel et Hardy, Lucky Luke, les frères Dalton… Je vais aussi découvrir le cinéma de propagande : des dessins animés caricaturant les combattants du FLN, des documentaires glorifiant les bienfaits de la colonisation… C’est le service cinéma des armée, qui une fois par semaine, organisait ces projections au milieu du camp. La population adulte était obligée d’y assister. C’est aussi dans ce camp que j’ai appris à lire et à écrire. Les instituteurs c’étaient des jeunes militaires français, l’enseignement se faisait sous des toiles de tentes. L’enfant que j’étais n’a aucunement souffert de la guerre, bien au contraire, de ces séances de cinéma en plein air, avec les copains, j’en garde des souvenirs émerveillés !

A la fin de la guerre, les militaires français sont partis et le cinéma avec eux. Mais rapidement, les militaires algériens ont pris le relais, ils sont arrivés et ont occupé la caserne désertée. Je me rappelle avoir trouvé que les militaires français et algériens se ressemblent, ils ont les mêmes armes, ils savent enseigner et faire du cinéma. Une image chasse l’autre, en effet, des jeunes algériens nous apprenaient à lire et à écrire en arabe, et une fois par semaine, ils nous projetaient des films de propagande qui glorifiaient la bravoure des combattants du FLN. On nous passait des films égyptiens, chinois et un film qui revenait souvent, il s’appelle «Algérie en flamme», j’ai appris, beaucoup plus tard, que ce un film était l’œuvre de René Vautier. Il fallait déconstruire 130 ans d’histoire coloniale et édifier un nouvel imaginaire algérien, socialiste et arabe. Ce paradigme, je l’ai analysé lors de mes études de cinéma.

J’ai quitté l’Algérie au milieu des années soixante dix. Après un séjour à Genève, j’arrive dans l’est de la France, à Besançon. Je fais une brève incursion dans le secteur de la métallurgie, puis j’intègre l’industrie horlogère. Tout en travaillant, je suivais des études de philosophie à l’université de Besançon.

Puis, à la faveur d’une rencontre, je passe dans le secteur socioculturel où je deviens projectionniste d’un ciné-club itinérant. Je passais des films dans les foyers SONACOTRA (foyers d’hébergements des travailleurs immigrés) pour distraire les résidents et surtout pour maintenir le lien avec les pays d’origines.

Quelques années plus tard, j’entame une formation de travailleur social à l’IRTS “Institut Régional du Travail Social“ à Rennes. Pendant six ans j’ai exercé la fonction d’éducateur de prévention dans un quartier populaire de Rennes. Parallèlement à ce travail, j’entame des études à l’université de Rennes, j’obtiens un DEA, dont l’objet de la recherche s’intitulait “histoire et esthétique du cinéma engagé“. C’est à cette occasion que j’ai fais la connaissance de René Vautier, qui, par la suite, m’a engagé comme chef opérateur pour le tournage de son dernier et inachevé film “Dialogue d’images“.

En 1992, j’entame une carrière de JRI, doublée de celle de réalisateur documentariste. J’ai travaillé en free lance pour ARTE Info, France2, France3, la ZDF, M6… J’ai également participé comme acteur à trois courts-métrages de fiction.

Parallèlement, j’ai réalisé plusieurs films documentaires autour de phénomènes de société. J’en ai réalisé trois films sur l’exclusion sociale, deux sur le mouvement Hip Hop, un film sur la culture PUNK. Je me suis également intéressé à la question israélo-palestinienne. Pendant la décennie noire qui a secoué dramatiquement l’Algérie, j’y suis retourné au pays pour interroger le cinéma sur la détresse qui s’est emparée de la société algérienne, j’en ai réalisé deux films.

Depuis 2007, je me suis centré sur une thématique exclusive impliquant l’Algérie, la France et la Polynésie française sur le thème des conséquences sanitaires et écologiques des essais nucléaires français au Sahara et dans les atolls de la Polynésie française…

En 2015, j’ai quitté France télévisions, pour me consacrer exclusivement au cinéma documentaire.