BÉ' JAM BÉ et cela n'aura pas de fin.

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Au cœur de la forêt

Voici un film qui nous offre la possibilité de partager les jours des Penan, des chasseurs-cueilleurs du Sarawak, dans la partie malaisienne de l’île de Bornéo (entre la Chine et l'Australie), qui luttent pour empêcher la destruction des forêts dont ils tirent leurs moyens de subsistance. La forêt primaire qui se trouve dans leur territoire recèle des bois précieux qui sont préemptés par des compagnies avec la complicité du gouvernement, pour laisser place à des plantations de palmiers à huile et des barrages hydroélectriques.
Ce que vous appelez film, nous l’appelons ombre, dit l’un des autochtones en projetant des ombres chinoises sur une cloison. C’est en toute conscience que les Penan se laissent filmer pour nous adresser un message, transmettre leur mode de vie et leur résistance. Les réalisateurs Caroline Parietti et Cyprien Ponson ont su gagner leur confiance et nous plonger dans la luxuriance visuelle et sonore de la forêt tropicale.

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FILM

BE’ JAM BE ET CELA N'AURA PAS DE FIN

de Caroline Parietti & Cyprien Ponson (2017- 85’)

L’arbre Mutan, on le dit arbre, mais au début c’est une liane qui se sert de l’arbre pour grandir. Et son étreinte finit par le tuer
Loin dans le cœur des forêts luxuriantes de Bornéo se trouve un univers où l’arbre et la rivière ne sont pas ressources mais sources. Dans l’État malais du Sarawak, les Penan, bandes nomades amenées peu à peu par la force des choses à s’installer, sont dispersés -comme d’autres communautés- dans de grands territoires décimés par le commerce mondial et mortifère de bois, arbres à papier ou palmiers à huile. Nous avons rencontré quelques hameaux d’une région encore bien vivante, faite de vallées de collines et de cours d’eau reliant tout. Quelques grappes de personnes qui ont décidé de ne pas abandonner la forêt. À l’ombre des grands arbres se vit un combat profond : celui d’un monde qui refuse de se résigner et de céder à l’ogre capitaliste. Celui de gens qui estiment (et chantent) que la vie se joue ensemble, cœur à cœur, avec la forêt comme espace de vie(s) et de futur(s)

>>> >>> un film produit par Dawai dawai

Distinctions festivals


Mise à jour

Précisions des cinéastes

Décembre 2024

De très brefs extraits ont été coupés, sur demande des protagonistes quant à sa visibilité en Malaisie ou sur internet. Un documentaire est et n’est pas une fiction de la vraie vie des gens...

Aujourd’hui, la situation a bien sûr changé [Un des grands responsables de l’État/l’état des forêts est décédé en 2024, et toutes sortes de paramètres re-dessinent le devenir de la grande île ainsi que des lieux évoqués dans le film.], mais la bataille pour garder les forêts vivantes et communautaires reste d’actualité. Et à rejoindre ? Partout ! C’est un tout…

Notes de montage

Vivre avec la forêt

par Caroline Parietti et Cyprien Ponson

Notes rédigées durant le montage du film (mars 2016)

Loin dans les forêts de la pluie, sur l’île de Bornéo aujourd’hui vidée de sa vieille âme moite, certains vivent selon un rythme de vie qui n’est plus au goût du jour, et que tout s’acharne à accélérer, transformer, détruire et oublier. Dawai dawai, lentement, c’est ainsi que se déploient les jours et les nuits à l’ombre fraîche des grands arbres. Dans l’État malais du Sarawak, nous rencontrons et filmons certains de ses habitant.e.s parmi d’autres. On les dit Penan, ils et elles se disent Penan, appelons-les ainsi. On les aura jadis appelés Dayak ou parfois Punan, chasseurs-cueilleurs nomades, traités de sauvages primitifs. On continue de le faire ; il n’est pas rare que percent dans les propos des gens des villes cette once de commisération pour ceux qui vivent encore comme autrefois, ceux de la forêt et de la misère, ceux qui devraient se mettre à la vie moderne. Non, ils ne sont pas un reliquat de la vie d’avant ou les témoins d’une vie ancestrale. Non, ils ne sont pas un seul peuple secoué par une colère uniforme. Ils sont ce qu’ils sont, ce qu’ils font, confrontés à des violences multiples. L’histoire est longue, les choix et les désirs de vie aussi. Par-ci, ils sont un effroi, un rire, par-là, une abdication et un oubli. Certains, comme partout, résistent encore. Les personnes que nous avons rencontrées dans la vallée du fleuve Limbang et au-delà vivent dans et de la forêt. Certains sont installés en maisons depuis plusieurs dizaines d’années, d’autres viennent de se poser, quelques groupes nomadisent encore. Autour des plus vieux villages, les forêts jadis défrichées ont repoussé autrement, on les dit secondaires. Ronceuses, la végétation et la vie animale y sont bien plus pauvres. Il reste d’épars lambeaux de forêts primaires, écosystèmes d’une richesse folle qui ont traversé les âges. Pour de rares personnes, la vie avec la forêt est encore possible, mais pour la plupart les ressources s’amenuisent.


S’il est bien une nécessité quelque part, c’est celle de rester unis. Mais le besoin de force collective est fragile et pas forcément propre à tous les Penan* du Sarawak puisque les expropriations et violences diverses ont réussi à passablement déchirer les communautés, historiquement disséminées de par le nomadisme et l’ampleur des territoires. Entre ceux qui ont accepté de vendre leurs terres, ceux qui ont vu les jeunes et moins jeunes partir à la ville, ceux qui travaillent pour les compagnies défricheuses, ceux qui refusent d’abandonner les terres à d’autres, ceux qui résistent et qui voient les villages touchés par de pervers enjeux liés à l’argent, pas d’unanimité. À Long Tevenga, hameau central du film, la résistance est affirmée, au contraire de la terre voisine où le chef de village hésite face aux offres alléchantes des compagnies...

Où est la violence ? Nous la sentons sourde et muette, ou parfois dominante, faite d’un vacarme nouveau. Elle s’insinue partout, de la machine qui saccage sur place jusqu’aux produits manufacturés en fin de chaîne. Dans la forêt, on est loin des hôpitaux, des écoles, des services et commerces de la ville. Là où les arbres ont été rasés il fait très chaud, il n’y a pas d’électricité, l’eau des rivières est désormais polluée. En forêt appauvrie par les coupes, le gibier est rare. La violence s’insinue dans l’attaque perpétuelle qui arrive de l’extérieur, qui décime et aplatit.

Comment continuer à lutter et à espérer autre chose ? Comment composer avec le monde ? Comment poursuivre la lutte dans les paysages défaits ? Le film sera porté par Peng, Tepeket et Jalung, trois figures habitées d’une seule certitude : il faut résister, ne pas perdre le cœur et protéger les tout derniers espaces nourrissant l’existence. Il sera une déambulation dans les entrailles de la forêt vivante, celle qui nourrit corps et âmes, gardienne du passé et du futur. Il sera enfin une expérience de vie contée collectivement par une communauté dressée face à la mort.

Nous partions faire un film sur le changement de vie induit par la construction d’une maison collective d’un groupe jusqu’alors principalement itinérant, nous nous sommes finalement fait prendre par la pensée de résistance profonde de gens à garder leur monde sensé, solide, viable et partageable.

* De même que la parole transportée par les images du film ne le détaille pas non plus, les Penan sont évoqués ici comme une communauté unique, or ils et elles se réfèrent ainsi à un grand groupe de gens séparés entre Western / Eastern Penan (aux langues distinctes), groupements eux-mêmes sujets à d’autres subdivisions régionales, parts de moult autres communautés indigènes du Sarawak, un des deux États malais sur l’île de Bornéo.

BIOGRAPHIE

Caroline Pariette et Cyprien Ponson

Caroline Parietti (Suisse) et Cyprien Ponson (France) forment un duo de cinéastes engagés. Après des études en travail social et en cinéma documentaire, ils coréalisent BE' JAM BE et cela n’aura pas de fin en 2017. Ce film, notamment primé à Visions du Réel, témoigne de la lutte des Penan contre la déforestation à Bornéo (Malaisie). Leur approche mêle anthropologie, écologie et création visuelle pour explorer les interactions entre humains et nature. En parallèle, ils développent des projets artistiques et pédagogiques liés à la préservation des terres et des êtres.

REVUE DU WEB

Préserver les cultures

BIBLIOTHÈQUE DE LYON >>> Captation de l'échange avec l'anthropologue Nastassja Martina réalisé à la suite de la diffusion du film dans le cadre du festival Interférences de Lyon (2017)
Note 2024 : nos propos sur la religion des Penan et autres communautés seraient à reformuler entièrement.

DAWAI DAWAI >>> Site des cinéastes sur lequel figure entre autres la chanson Tong tana lalun, composée par des jeunes (Penan) de l'équipe d’assistant(e)s du projet et réalisée lors du retour des cinéastes pour montrer le film dans ce pays penan, ainsi que Si l’arbre tombe, une balade sonore en compagnie d’un ancien du village.

SAVAMAGOH >>> À l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones, un groupe d’autochtones Penan lance une campagne en faveur d’une réserve de biosphère UNESCO dans la région de Magoh, dans l’État malaisien du Sarawak.

YOUTUBE >>> Lien vers le film documentaire The forest is gone – where is the money? - Des dirigeants autochtones malaisiens, des militants anti-corruption et des experts internationaux évoquent les allégations de corruption et de crimes environnementaux.

SARAWAKREPORT (en anglais) >>> Site d’informations sur la situation du Sarawak.

COMMENTAIRES

  • 28 janvier 2025 21:51 - Ch. Faget

    Alors que je résidais en Indonésie dans les années 1975/1976, déjà la déforestation était bien engagée sur Bornéo

CRÉDITS

réalisation Caroline Parietti & Cyprien Ponson
image et son Caroline Parietti & Cyprien Ponson
montage Alix Lumbreras
mixage son et design sonore Paul Maillardet & Cita del Rock
étalonnage Magali Marc & Synaps Audiovisuel

filmé à Borneo Sarawak, dans les forêts des vallées des fleuves Limbang et du Magoh
merci aux habitant.e.s des villages de Kelunan Tong, Long Tevenga, Long Gita, Long Adang, Long Tegan et Ba Peresek

production Les Obliques, 4e étage, Dawai dawai
accompagnement administratif Kraft productions
avec la participation de Département de l'Ardèche, Canton du Jura, Prodij Lyon, Fondation Un Monde par Tous, Fondation Loisirs Casino

Artistes cités sur cette page

Cyprien Ponson - portrait - Gabarit

Cyprien Ponson

Caroline Parietti - portrait - Gabarit

Caroline Parietti

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