Ursulumes D<->D

Yann Kersale exposition Ursulines Quimperle

Et la lumière fut !

Yann Kersalé allume Quimperlé en trois lieux, avec un parcours pérenne, Le chemin bleu, sur les berges de l’Isole, une installation immersive Ursulumes D<->D à la Chapelle des Ursulines, et une exposition de ses travaux à la Maison des Archers. C’est dans cette dernière qu’il nous a accordé un entretien, les jambes bien allongées et les bras fermement croisés sur une silhouette à la Jean Nouvel : t-shirt noir, jean noir, baskets noires, montre noire, lunettes noires et… Une grosse bague en argent, qui pose un point de lumière comme une petite planète sur sa main, qui volette le temps de la conversation.

[ Isabelle Nivet ]

ENTRETIEN

PARCOURS GÉO-POÉTIQUE

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kersale quimperle
© Ville de Quimperlé

Quel a été le point de départ de ce travail dans la Chapelle des Ursulines ?
Je suis parti du climat terre et mer de Quimperlé et j’ai fait deux salles distinctes, la première complètement bleue : donc le premier travail, dans cette salle « mer » a été de recouvrir les ouvertures de la chapelle avec des gélatines bleues. Avant d’entrer on tire une poignée qui active une impulsion (et met en mouvement une structure de plumes fixée au plafond, au son des mouettes, ndlr). A l’extérieur, un « fanal » capte la lumière le jour, et réfléchit de nuit ses lumières intérieures. Ces réflexions sur les murs de la chapelle ont été captées et sont retransmises dans la salle « terre » par seize vidéoprojecteurs. Ce sont des reflets de reflets de reflets travaillés avec un logiciel de morphing, qui redéploie les images. Les enregistrements sonores ont été fabriqués dans le studio d’Eric Serra (compositeur de la musique du film de Luc Besson « Le Grand Bleu », ndlr). L’ensemble forme une boucle de quelques minutes, qui permet l’immersion du visiteur au sein de cette salle voulue minimaliste (où la lumière et les projections viennent se poser comme dans une boîte blanche, ndlr).
À la Maison des Archers, que c’est-il passé ?
En visitant les lieux, j’ai été frappé par les cheminées, trois par étages, que j’ai utilisées comme des installations (des grappes de boules blanches que des projections mordorées et rouges vienne « allumer » comme des planètes, ndlr). Mais le principe ici est de montrer les choses comme si on était dans mon atelier à Douarnenez ou à Paris. Tout est dit à partir de mes carnets de crobards : urbanisme, architectures, paysages, objets…


Vous exposez également des objets…
Je ne suis pas architecte ni designer, mais je crée des objets nomades. J’ai passé un été en résidence chez Baccarat et il en est sorti une série de lumières autonomes : Joscil des tiges souples surmontées d’une coiffe de pampilles sur ressorts, Jesouffl, un hommage aux souffleurs de verre (des carafes inversées emboitées sur des cannes de souffleur, qui intègrent des leds pour devenir des torches blanches, ndlr) et Jallum, une lumière de poing. C’est intéressant de travailler avec ces grandes maisons qui ont un savoir-faire, comme Baccarat ou Hermès, avec qui j’ai travaillé pour une lanterne en cuir sur le principe de la lentille Fresnel, comme des feux de calèche, leur symbole…
Comment travaillez-vous ?
Parfois il n’y a que des maquettes. Comme disait Christo, la majeure partie du temps d’un artiste est consacrée à des dossiers de présentation et de recherche. Parfois les installations ne se font pas, faute de moyens. Et puis moi, je ne travaille pas avec des œuvres créées en atelier : il faut que je fasse l’installation in situ, donc je réalise beaucoup de prototypes, et quand les installations sont éphémères, tout ce qu’il reste, comme en Land Art, ce sont les photos. Mais tous les projets commencent par des croquis dans des carnets, puis des dessins plus élaborés, puis des prototypes.
A mes débuts, j’ai beaucoup travaillé avec Philips, dont j’ai détourné beaucoup de matériel. Pour la verrière du Grand Palais, par exemple, j’ai pris des projecteurs utilisés dans les stades de foot… Pour la zone portuaire de Saint-Nazaire, je me suis servi de matériel industriel, destiné aux usines de fabrication de gaz, pour pouvoir lutter contre le vent, le sel et la pluie. Je suis entre l’artisan et l’artiste.
Parlez-nous du Chemin bleu, que vous signez à Quimperlé…
Pour moi, le bleu, c’est comme un gris : il modèle le paysage et l’architecture, il permet de faire ressortir les forces et les creux, et je sculpte en creux. La longueur d’onde du bleu marque les résonances et les profondeurs pour amener du creux. Ce parcours, c’est comme un balisage, c’est un parcours géo-poétique, une déambulation avec peu de choses, qui guide dans le sens que l’on veut… (Le chemin est en cours de réalisation : la deuxième tranche verra le jour en 2018 et la troisième en 2019, ndlr)

A l’occasion de l’exposition, un très beau livre de photos a été édité avec entre autres la contribution de la Ville de Quimperlé, accompagné d’un texte de l’auteur breton Jean-Michel Le Boulanger. Aux éditions Bernard Chauveau.

BIOGRAPHIE

YANN KERSALÉ

Yann Kersalé par Anne de Vandière
© Anne de Vandière

Yann Kersalé est un artiste qui utilise la lumière pour faire l’art, comme d’autres se servent de multiples matériaux d’expression. Il choisit la nuit, lieu d’élection du sensible comme terrain d’expérimentation. En mettant en mouvement espaces et constructions, il propose de nouveaux récits à la ville contemporaine.
Il cherche, au travers d’éléments sociologiques, historiques, géographiques ou architecturaux spécifiques, une base de création pour en soustraire une thématique narrative. Il crée ainsi des fictions lumineuses en milieu urbain, des parcours géo-poétiques dans la nature ou élabore ses propres lumières-matières. C’est ainsi que la plupart de ses projets sont conçus.
Depuis plus de trente ans, Yann Kersalé parcourt le monde et explore différentes formes de paysage du crépuscule à l’aube. Il est né le 17 février 1955 en France.


Kersalé vu par Jean Nouvel

Yann Kersalé est un homme de fulgurance et de transcendance. Un homme de coups et un homme d’éclats. Le plus étonnant, c’est qu’il est tout cela avec naturel et discrétion. En toute fausse modestie, tout ce qu’il propose paraît simple, normal, banal… jusqu’au moment où tout se décale, le regard change, et l’œuvre naît… Allez lui demander pourquoi ? Comment ? Quand ? Il plaisante, je l’observe… et quand j’ai compris, je me tais. Il faut respecter les personnages secrets, les personnalités à tiroirs. Car ce sont eux qui créent les mythes. Je veux vous confier quelque chose : cet innocent est dangereux pour les idées reçues.

REVUE DU WEB

FICTIONS LUMINEUSES

TEDxUniversité de Bordeaux >>> Au travers d’un vaste diaporama de photos à couper le souffle, Yann Kersalé nous laisse timidement entrer dans le monde des fictions lumineuses qu’il crée. Il utilise lumière, sons, technologies, pour raconter une histoire sur l’âme et la mémoire des villes et bâtiments, avec un regard à la fois espiègle et sensible.

Lumière Matière >>> un reportage d’Alain Durand sur les créations de Yann Kersalé (2009 – 26’)

YANN KERSALÉ EN QUELQUES RÉALISATIONS MAJEURES

Détours en France >>> À la nuit tombée, la magie du travail du plasticien Yann Kersalé embellit nombre de nos monuments.
Le pont Chaban-Delmas de Bordeaux, Le Vieux-Port de Marseille, L’Opéra de Lyon, la tour Kipstadium de Roubaix ou encore le Musée du Quai Branly à Paris, où Kersalé a travaillé en collaboration avec le paysagiste Gilles Clément et l’architecte Jean Nouvel, avec lequel il est associé depuis de longues années.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    Ursulumes D<->D

    une installation de Yann Kersalé

    Chapelle des Ursulines et Maison des archers, Quimperlé

    Artistes cités sur cette page

    Yann Kersalé par Anne de Vandière

    Yann Kersalé

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