The Strange Boardwalk

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Ce clip ayant été réalisé par notre chroniqueuse Margaux Dory nous avons confié la rédaction de cet article à Carole Contant. Cinéaste et artiste, elle développe à Rennes, au sein de l’association peti peti, des projets hybrides entre cinéma et arts plastique ou entre danse et cinéma.

On traverse la Rennes de la nuit sans son opéra, car Moodkint préfère les lieux en friche.

Froissement de papier. Un type attablé devant le rétroviseur de sa bière vide, nous fait face. Désoeuvré. Il porte un masque de morse aux dents longues, et rompt le biscuit qu’on offre dans ce snack asiatique, qui contient une petite bande de papier sur laquelle est inscrit : a strange boardwalk is ahead of you. La musique démarre, écoutant l’oracle, l’homme à la tête de morse suit le mouvement et la caméra emboîte ses pas.


C’est parti pour une traversée nocturne sur une planche de skate. L’homme glisse, droit devant lui. La caméra de Margaux Dory se trouve dans son sillage, elle trace un sillon rennais, même sans le diamant de la platine, sur le bitume avec lui, jonché de gammes électroniques répétitives vaporeuses. La petite bande se déroule désormais sous nos oreilles, et nos yeux se promènent. Nos tympans sont tapotés avec régularité et un petit cri de singe urbain scande cet étrange passage. La bande d’abord enrobée devenue passante est toujours solitaire.

Bande solo qui erre au ralenti sur son skateboard sonique, dans les rues de Rennes ; au passage, derrière notre sans-visage qui glisse de dos, on devine de gros lapins lumineux de l’australienne Amanda Parer (Intrude œuvre mise en place pour les Tombées de la nuit le long du mail François Mitterrand). Serait-ce une nuit d’Halloween ? Des draps troués d’yeux passent par ici, et on trouve un ghostbuster étiqueté sur le capot d’une automobile en station service, puis lentement la silhouette anthropomorsique, comme les petits ronds lumineux sous sa planche, transforme l’asphalte urbaine en route de campagne, contre-plongée sur le plafond nocturne coiffé par la couronne des arbres. Subjectif musical d’une route tracée, tranquillement chaloupée.

Moodkint producteur et compositeur tapisse son chemin de samples croquants, froissements minimalistes en boucle. Ses beats sont les cuts d’un lieu à l’autre que le film fait défiler en faux raccords. On traverse la Rennes de la nuit sans son opéra, car Moodkint préfère les lieux en friche, ponts, quais, ruines de bord de canal, place, rampe de jump dont le graphiste du skate aurait pu tatouer les murs. Beat. Jusqu’à St Malo, un jour vers l’eau dans le flux continu, au bord du Grand Sillon, il poursuit son avancée et plante son véhicule dans le sable malouin : affichant son graphisme noctambule. Cut et fin… ou presque, car pour commencer Moodkint sera au chantier dans les bars en trans le samedi 3 décembre. L’occasion de découvrir le visage à déchiffrer derrière Moodkint, celui du chanteur Florian Mona, également l’un des Ruben, qui reste pour moi un mystère.

THE STRANGE BOARDWALK de Moodkint

réalisé par Margaux Dory (2016 – 3’30)

INTENTION

Entre affirmation et liberté

The Strange Boardwalk est une divagation en roue libre pour accompagner l’entêtante ambiance de la chill-wave décontractée de Moodkint. Le but était de retranscrire un état de demi-sommeil aux reflets violet/dorés, de dépeindre une de ces nuits où tout bascule, tout semble irréel, une sorte de Eyes Wide Shut version skate et pop-culture. Un rêve éveillé parsemé d’images d’Épinal incongrues et fantasques, où les songes se dissipent dans la nuit et la vitesse. A board de cette déambulation, un homme au mystérieux visage de morse. L’utilisation du masque au cinéma vient souvent autant cacher que montrer.

Il dévoile ici le vrai visage d’un homme inadapté, à qui il revient de retourner à son élément – la mer – à travers cet animal énergique aux défenses imposantes.


Le thème du destin est un autre fil rouge du clip, qui démarre par l’ouverture d’un fortune cookie d’où s’échappent à la fois la musique et le mouvement du clip. De ce message découle la volonté de cet homme à tête de morse, de tracer son propre chemin, sans se retourner, en suivant une route qui se dessine petit-à-petit, au gré des rencontres mais sans s’y attarder. Riding like no one is watching ! Une manière de voir les signes qui pavent notre route, sans leur donner une trop grande importance. Le skate est le véhicule de cet état d’esprit, entre affirmation et liberté, et emporte le clip dans un élan continu, comme une vague contingente que l’on tente de maîtriser, à l’image d’une vie qui parfois nous échappe et qu’il ne faut jamais considérer comme acquise.

A la lumière du jour, il faut être en phase avec soi-même. Sous le manteau de la nuit, avec ses ombres factices et ses plaisirs insolites, il suffit parfois d’un coup de pouce, d’un coup de pied sur le bitume, pour choisir la route à suivre. Ou d’un message dans un fortune cookie.

BIOGRAPHIE

MOODKINT

Moodkint - clip de la semaine

Comme l’écho d’une BO de film qui nous colle à la peau, le producteur français Moodkint compose et assemble ses gommettes sonores tel un enchaînement de tricks sur sol mouillé. Une combinaison d’instants volés, de samples triturés, nous transposant dans les rues de mégalopoles afro-asiatiques. Son bitume est une vague de beats où les mélodies visuelles s’écoulent sur le mouvement d’un film qui défile. On sent la fureur du chill déborder de ses nappes fluides, et le son se fait l’image d’un souvenir collé sur la rétine.

BIOGRAPHIE

MARGAUX DORY

Margaux Dory - Moodkint

Elevée au grain du master Cinéma de l’Université Rennes 2, un diplôme de Numérique et Nouveaux Médias en poche, Margaux Dory divague, caméra au poing, entre captations live, reports, indie clips pour la scène émergente rennaise, tout en s’essayant à la photo et à l’écriture de scénario…

Elle prépare en parallèle la sortie, pour début 2017, d’un webdocumentaire musical en partenariat avec la Cinémathèque de Bretagne, à base de ciné-concerts et d’images d’archives bien trempées. Elle chronique par ailleurs, peut-être l’avez-vous remarqué, la rubrique Clip de la Semaine pour KUB depuis la rentrée 2016.

Elle est également dresseuse de chiens de moins de 15 kilos.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    Musique Florian Mona

    réalisation Margaux Dory

    Artistes cités sur cette page

    Margaux Dory - Moodkint

    Margaux Dory

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