FAT SUPPER, Grotorro

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Réalisé par un cinéaste lui aussi musicien (Michel Le Faou, âme damnée de The Enchanted Wood), ce clip est un bel hommage rendu aux éternels hésitants, et peut-être à Herman Melville aussi (un peu).

C’est que la condition du musicien clippé est aussi instable que précaire : toujours on le somme de choisir entre être et paraître, entre jouer un morceau et jouer pour la caméra, entre faire du bruit et faire l’acteur. Comme si le clip l’obligeait, par nature, à trancher en faveur de la musique – au risque de l’invisibilité – ou en faveur de l’image – au risque de l’exhibition.

La très belle idée du clip est justement de ne jamais trancher, et même de s’enivrer d’indécision, mais avec persévérance et de trois façons au moins :

-D’abord, tout au long de ces quatre minutes et quelques, on voit bien les quatre musiciens, ils chantent, ils jouent de leurs instruments (ou ils le font croire), ils nous regardent, bref, ils sont un peu avec nous ; mais l’instant d’après les voilà qui s’installent à table, se versent à boire comme si de rien n’était, comme si pendant ce temps la musique ne continuait pas à tourner sans eux et, pire, comme si nous n’étions pas là.


-Ensuite, comme c’est un clip qu’on regarde, on pense qu’ils vont être dans l’image. Mais non : c’est sur eux que les images se projettent, et ils ne sont ni dessus, ni dessous, encore moins dedans : ils sont entre. Entre images et images, entre images et sons. Jamais tout à fait ici, jamais tout à fait là, peut-être définitivement ailleurs.

-Et de quoi sont-elles faites, ces images posées sur l’image des musiciens comme un napperon sur une table en acajou ? Elles ont l’air de rien (des filles en bikini, voire sans bikini, surtout et pour l’essentiel), mais ce rien n’est pas rien dès lors qu’aux bikinis succèdent des pistons et des bielles, montant et descendant en cadence, qui se mettent au diapason de cette musique – on ne l’a pas encore dit – résolument et méchamment rythmique. Alors l’image n’est plus seulement un bibelot avec lequel on décore un morceau, et le napperon devient aussi tissage des images avec les sons. Le tout dans un climat de jubilation, de n’importe quoi bordélique où les musiciens jouent juchés sur un tas de bois, portent des déguisements, revêtent des têtes d’animaux, régression enfantine et burlesque.

Que ce clip ne raconte rien, ça n’a donc aucune importance. Comme Bartleby, le célèbre personnage du roman de Melville, il donne à voir des musiciens qui « préfèreraient ne pas ». Ne pas poser, ne pas jouer pour de bon, ne pas se prendre pour des personnages. Éloge de l’hésitation.

Eric Thouvenel

GROTORRO

réalisé par Michel Le Faou (2015 - 4'15)

BIOGRAPHIE

FAT SUPPER

Que ce soit pop ou grunge, rock foutraque, garage, hip hop ou noise, Fat Supper prône un brassage stylistique déroutant et se vautre dans l’énergie salvatrice du rock U.S, n’ayant nul besoin de calcul savant, ni de grammaire compliquée pour être attrayant. Leur nouvel album «Academic Sausage» impose la signature artistique d’un groupe à l’identité versatile.

Les portions sont copieuses, les saveurs toujours gourmandes et le mariage des styles tourne en ridicule les idées reçues. Que ce soit pop ou grunge, rock foutraque, garage, hip hop frondeur ou noise, ce «souper gras», en réalité tout à fait digeste, se nourrit de tout ce que la scène anglophone régurgite depuis des décennies. On peut penser à des groupes aussi variés que Eels, Grinderman, Deerhoof ou Pavement, mais sans jamais déceler le moindre plagiat. Fat Supper s’est trouvé une identité des plus versatiles et s’amuse à se disperser tout en imposant habilement une réelle signature.


Après un premier album puis un 4 titres, tous deux salués par la critique, Fat Supper sort en Février 2015 son nouveau disque, «Academic Sausage», enregistré dans les conditions du live comme les précédents. Le groupe prône ce fameux brassage stylistique déroutant et se vautre dans l’énergie salvatrice du rock U.S. Ce sont bien des chansons, mais dans des formats souvent inattendus. L’empreinte rythmique est toujours très forte, la recherche mélodique est incessante et les deux voix du groupe esquivent à tour de rôle les derniers pièges tendus par les convenances populaires.

Fat Supper doit son efficacité au respect des choses simples, n’ayant nul besoin de calcul savant, ni de grammaire compliquée pour être attrayant.

BIOGRAPHIE

MICHEL LE FAOU

Michel le Faou Grotorro Clip de la semaine

Michel Le Faou se passionne tout d’abord pour le cinéma fantastique et les oeuvres de Welles et Hitchcock. Après des études d’audiovisuel, il s’oriente vers la musique et se fait la main dans des groupes rennais dans lesquels il pratique la basse tout en élargissant sa connaissance des instruments. Toujours hanté par le cinéma fantastique, et mu par l’envie de développer son propre univers mêlant ambiances surnaturelles, chansons en anglais et instrumentations singulières, il créée The Enchanted Wood en 2008. Tout d’abord projet solo, The Enchanted Wood multiplie les collaborations ponctuelles et régulières avec les musiciens les plus divers de la scène rennaise, et se produit aux côtés de groupes comme Death in June et And Also The Trees.

Après les Transmusicales et la Tournée des Trans 2013, pour lesquels il était accompagné de musiciens de La Terre Tremble!!! et Fat Supper, The Enchanted Wood a créé le ciné-concert Frankenstein pour le festival Travelling à partir du classique de James Whale.

En parallèle à la pratique musicale, Michel Le Faou réalise des clips et des captations pour son propre projet et les groupes amis tels que Fat Supper et le collectif Vitrine en Cours. Dernièrement, il a participé à la création de Sixteen (présenté en avant-première au festival Travelling) et écrit le prochain album de The Enchanted Wood.

INTENTION

Un assemblage foutraque d’idées passées au thermomix

Fat Supper Grotorro clip de la semaine

Le clip de Grotorro est parti du travail de Vitrine en Cours (collectif de projectionnistes) et de Fat Supper, qui ont imaginé une série de tableaux en utilisant tout le volume d’une énorme grange, avec les moyens du bord: un gros tas de bois, un coin aménagé en cuisine, des costumes d’animaux, une boule à facettes, un piano, le tout servant en même temps de surfaces de projections pour les diapositives et les films 16mm de Vitrine en Cours. La bonne plaisanterie a été de m’y convoquer avec le musicien et vidéaste Mathieu Fisson (Mermonte, Lady Jane), par une glaciale nuit de novembre pour ce que nous croyions être une simple captation live.

On a découvert le décor et les idées du groupe le soir même: après écriture-express sur un coin de feuille A4, la captation s’est transformée en clip, et la petite soirée en nuit blanche, jusqu’à épuisement total des tableaux préparés, de nos ressources physiques et des alcools présents. Le tournage s’est conclu dans une relative bonne humeur par la destruction du piano.

Le résultat est un assemblage foutraque d’idées passées au thermomix, à l’image des univers de Fat Supper et de Vitrine en Cours (et de leur plus récent projet Sixteen): j’aime beaucoup mais ne me demandez pas ce que ça raconte ni comment tout ça tient ensemble…

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    réalisation Michel Le Faou

    Artistes cités sur cette page

    Michel le Faou Grotorro Clip de la semaine

    Michel Le Faou

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